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Critique de Santarini


J'avais repéré ce livre depuis quelque temps, mais je ne pensais pas l'acheter car son titre accrocheur ne me paraissait augurer rien de bon quant à la pertinence et la rigueur du propos. En effet, la science n'étant pas encore capable, à ce jour, de définir correctement la conscience et, encore moins, d'en comprendre la nature, comment pourrait-elle appréhender l'éventuelle réalité d'une conscience universelle à l'origine de tout, au point d'en apporter la preuve ? Aujourd'hui, la science ne sait même pas prouver rigoureusement qu'une "petite" intelligence, qu'elle soit humaine, artificielle ou animale, est consciente ! Et elle pourrait s'aventurer à dire quelque chose d'une "grande" ? Autant prétendre expliquer scientifiquement pourquoi il existe quelque chose plutôt que rien !
Quand on ne sait pas, j'ai toujours trouvé sage de savoir dire "je ne sais pas". Cette attitude m'est toujours apparue comme une réaction de base de la démarche scientifique, une sorte de pierre de touche de l'esprit scientifique. Et, en l'occurrence, personne ne sait, surtout quand on ne définit pas le concept ! Je me réfère toujours, en ce domaine, à la citation attribuée à Albert Einstein : "Définissez-moi d'abord ce que vous entendez par Dieu et je vous dirai si j'y crois !"
Mais on m'a offert ce livre et je l'ai lu consciencieusement. Cette lecture a complètement confirmé ma première impression ! Loin d'une réflexion pour chercher à comprendre, je n'ai trouvé dans cet ouvrage qu'une suite interminable de préjugés présentés pour tenter de démontrer une idée préconçue et floue.
La soi-disant preuve scientifique de l'existence d'un Dieu créateur consiste essentiellement, pour les auteurs, en l'existence établie aujourd'hui d'un Big Bang à l'origine de l'Univers dans lequel nous vivons. Mais rien ne prouve que ce Big Bang soit unique ! Ces auteurs rejettent d'un revers de main, et cela à de nombreuses reprises dans le livre, l'hypothèse d'un Multivers (ou d'une multiplicité de Big Bangs) sous prétexte qu'elle est purement spéculative et parfaitement invérifiable (ce qui est loin d'être prouvé...). Mais c'est pour la remplacer par celle d'un Dieu créateur qui est encore plus spéculative et encore plus invérifiable, surtout quand on ne définit pas son contenu ! de plus, cette hypothèse n'explique rien, alors que celle du Multivers (ou des Big Bangs) fournit une explication très naturelle qui n'est rien d'autre qu'une variante d'autres explications scientifiques qui se sont bien souvent révélées fécondes. Avant de savoir que L Univers était constitué d'une incroyable multitude d'étoiles, et très vraisemblablement, d'un nombre au moins aussi grand de planètes, nombreux étaient ceux qui plaçaient Dieu à l'origine de la Terre. Maintenant que notre horizon s'est aussi extraordinairement élargi, on trouve encore des esprits étroits qui tentent de le placer au Big Bang. L'existence de milliers de milliards de milliards d'Univers ne me paraît pas plus improbable ni plus invraisemblable que celle, pourtant quasiment acquise, de milliers de milliards de milliards de planètes dans "notre" Univers, rien que dans sa zone observable ! Et au-delà, il est peut-être infini ! Ces réflexions n'ont pas pour but de "démontrer" que Dieu n'existe pas (ce qui me paraîtrait aussi absurde que de vouloir démontrer qu'il existe), mais de montrer la naïveté du raisonnement des auteurs. de plus, ces défenseurs des preuves de l'existence de Dieu me paraissent limiter curieusement les capacités de ce "créateur" en les jugeant à l'aune des connaissances humaines actuelles ! Les démonstrations analogues du passé nous paraissent aujourd'hui bien puériles ! Si Dieu existe et s'il a le sens de l'humour, celles des auteurs de ce livre doivent bien l'amuser ! Ils ne cessent de confondre inexpliqué et inexplicable. Combien de phénomènes déclarés inexplicables par des scientifiques ou pseudo scientifiques ont été plus tard expliqués !
Un autre argument avancé par les auteurs est celui de l'insuffisance des explications purement matérialistes, insuffisance que la physique quantique laisse largement pressentir. Je les cite : "De ce fait, le chemin le plus direct pour démontrer l'existence d'un dieu créateur passe par la démonstration de l'impossibilité d'un Univers purement matériel." Mais bien sûr que non ! Ce n'est pas parce que le matérialisme pur et dur est effectivement mis en difficulté par les découvertes de la science moderne qu'il faut se précipiter vers des croyances religieuses et prétendre rendre compte de ce manque par l'existence d'un Dieu dont on ne prend même pas la peine de proposer une définition. Une science post-matérialiste encore à construire ne prouvera pas forcément l'existence d'un Dieu ! Elle conduira peut-être à rendre compte de l'existence d'un Univers spirituel complémentaire de "notre" Univers physique et peuplé d'êtres "spirituels", mais l'implication éventuelle de ces êtres dans les réductions de paquets d'onde à l'origine de l'histoire de "notre" Univers vécu n'impliquera pas nécessairement l'existence d'un Dieu. L'hypothèse d'un deus ex machina évite de réfléchir, mais elle n'a jamais rien expliqué ! Avec cette méthode, on aurait pu, dans le passé, démontrer l'existence de Dieu à partir d'arguments faisant appel à des phénomènes alors inexpliqués et dont la science rend compte aujourd'hui, par l'existence, par exemples, d'interactions à distance ou d'ondes électromagnétiques.
Le livre contient encore des arguments faisant appel à la biologie pour présenter comme hautement improbable l'apparition des premières cellules vivantes. Mais le reste de l'évolution de la vie sur Terre est aujourd'hui relativement bien appréhendé par la science. Encore une fois, considérer comme preuves de l'existence de Dieu les questions qui ne sont pas encore résolue me paraît plutôt puéril. L'expérience du passé devrait inciter, me semble-t-il, à plus de prudence. En cela, les auteurs utilisent les mêmes pseudo arguments que les créationnistes.
Plus généralement, l'ensemble du livre me paraît incroyablement présomptueux et foncièrement antiscientifique. C'est pour le moins curieux pour un ouvrage qui, dans son titre même, se réfère à la science. L'ouvrage manifeste une sorte de "scientisme théiste". Cette originalité est plutôt surprenante car le scientisme est habituellement athée ! Mais ce scientisme, comme l'autre, reste une croyance, au même titre que les religions, et peut-être plus dangereuse qu'elles.
Presqu'à chaque ligne, j'ai eu envie de crier aux auteurs "humilité, humilité, humilité !" en leur suggérant de lire mon livre "Croire ou savoir ?" et, plus particulièrement les chapitres intitulés "Conscience", "Dieu", "Miracle" ou "Révélation".
Le livre ne se termine pas avec cette approche pseudo scientifique. Il se poursuit avec un grand chapitre intitulé "Les preuves hors science". Pour continuer à lire attentivement, j'ai dû faire encore plus d'efforts que dans la première partie. En effet, avant même d'en prendre connaissance, je suis interloqué par cette expression "Les preuves hors science" qui me paraît relever plus de l'oxymore que d'une sage et modeste analyse ! Et effectivement, bien loin de l'honnêteté scientifique la plus élémentaire, j'ai trouvé essentiellement dans ce chapitre une présentation terriblement tendancieuse de récits censés "prouver" la "vérité" de la Bible et de la doctrine chrétienne, voire même, plus précisément, de la doctrine catholique. Cet exposé, très riche d'une documentation abondante, confine à l'érudition. Il résulte manifestement d'un énorme travail de recherche. Malheureusement, cette base documentaire qui pourrait intéresser d'authentiques chercheurs de vérité est gâchée par une présentation incroyablement partiale : les auteurs classent sans cesse les connaissances en domaines de faits à croire ou à ignorer et les lecteurs en croyants ou en athées, en théistes ou en matérialistes. Ils n'admettent aucune autre alternative et, bien sûr, ne savent pas reconnaître les domaines où, pas plus que n'importe qui, "ils ne savent pas"… L'intérêt et la recherche pour ce qui est encore inexpliqué sont absents. Aurait-il été sensé, à une époque lointaine où l'on ignorait tout de l'existence par exemple des ondes électromagnétiques, de prendre parti pour ou contre leur existence ? On trouve même, au détour d'une page, une incitation clairement exprimée à la partialité : "Ne tournez pas la page avant d'avoir arrêté votre choix, quel qu'il soit". Comment être plus clair dans l'entêtement à refuser de ne pas savoir et de chercher ! Alors que, dans la première partie, les auteurs manifestaient un manque notable d'imagination dans la recherche de pistes de recherche pour expliquer ce qui ne l'est pas encore, ils font preuve ici d'une imagination débordante pour échafauder des arguments capillotractés sur la base de prophéties, de faits réels surinterprétés, voire de récits douteux ou légendaires. La naïveté et la partialité de cette partie sont tellement stupéfiantes, hallucinantes, et pour tout dire exaspérantes, que je n'ai pas le courage de les commenter ici.
Juste une mention toutefois pour le "miracle" de Fatima qui pose effectivement à la science une étonnante question. Les auteurs y voient, là encore, une "preuve" de l'existence de Dieu. Je trouve personnellement qu'un Dieu de l'Univers qui se livrerait à pareille supercherie en voulant faire croire à des dizaines de milliers d'observateurs que le Soleil a vraiment dansé ce jour-là serait un Dieu bien bizarre et, en tout cas, plus inquiétant qu'adorable, surtout quand on examine le message, assorti de menaces, censé être délivré par le biais de cet artifice. Convaincu que ni le Soleil ni la Terre n'ont, en cette occasion, changé leurs habitudes, je suggère dans mon livre, au chapitre "Miracle", une autre piste de réflexion, sans doute plus réaliste, mais peut-être encore plus inquiétante.
Encore une fois, il ne s'agit pas pour moi de nier le mystère mais de s'interroger, de chercher et de savoir dire "je ne sais pas" quand on ne sait pas, sans sauter, sans preuves, sur des conclusions préconçues, surtout quand elles sont invraisemblables ! « Des prétentions extraordinaires nécessitent une preuve extraordinaire » disait Carl Sagan.
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