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Critique de PLOOM


PLOOM
26 février 2017
La doxa économique voudrait que nous soyons passés dans un monde postindustriel caractérisé par l'immatériel, le numérique, l'intelligence artificielle. Pourtant nous ne sommes pas véritablement entrés dans une ère postindustrielle. Jamais nous avons été autant entourés par les produits manufacturés. La différence avec les années 1960/1970 tient au fait que les emplois de l'industrie qui produit ces produits ont été délocalisés dans des régions à faibles salaires. Cependant notre économie a évolué aussi à un autre niveau, c'est ce que démontre les sociologues Luc Boltanski et Arnaud Esquerre dans leur ouvrage intitulé “Enrichissement : une critique de la marchandise
Boltanski et Esquerre soulignent la mutation économique qui s'est déroulée dans les pays développés comme la France : le capitalisme est entré dans une nouvelle phase tirant sa substance du passé en valorisant ses produit à partir d'un storytelling très élaboré. Ce que les deux sociologues appellent “économie de l'enrichissement” est une économie où la production est absente alors même qu'elle produit de la richesse à partir d'objets qui appartiennent au passé. Certains de ces objets ont été parfois considérés comme des déchets ou des rebuts mais ils sont littéralement réinvestis d'un nouveau potentiel comme par exemple certains quartiers insablubres du Bronx à New York, ou des proximités de la Tamise à Londres qui deviennent les nouveaux milieux branchés ou encore le mobilier dessiné par Jean Prouvé et Charlotte Perriand et destiné à la cité universitaire dans les années 1950 qui est revendu aujourd'hui des fortunes.
Ce que mettent en exergue les deux chercheurs tient au fait qu'un pays comme la France constitue pour certains produits, de luxe en particulier, une véritable valeur ajoutée à l'étranger. le “made in France” s'ancre dans un passé prestigieux qui passe par Versailles, la tour Eiffel et le savoir faire des grandes marques de luxe. L'origine France d'un objet de luxe devient constitutive de sa valeur. Il en est de même dans l'art contemporain qui ne trouve son existence qu'à travers un travail de mise en art qui propose l'oeuvre comme muséale, prête à être installée dans un musée. A ce titre mode et luxe français constituent l'une des principales ressources exportatrices au côté de l'armement.
Cette économie recouvre des secteurs très divers tels que l'immobilier, l'art contemporain, le luxe, la mode , le tourisme haut de gamme, le design… le processus d'augmentation de la valeur doit passer par une phase d'enrichissement qui peut s'inscrire par exemple dans un effet “collection”, ou encore se voir adjoindre un récit qui va construire une nouvelle réalité et créer un manque. Pour les deux auteurs l'économie d'enrichissement possède enfin deux caractéristiques : elle participe à l'augmentation du capital des riches et elle n'a absolument pas besoin des pauvres. Par ailleurs le créateur devient complice de cette économie souvent malgré lui.
L'ouvrage de Luc Boltanski et Arnaud Esquerre a le mérite de prolonger “Le nouvel Esprit du capitalisme” paru en 1999 et que Boltanski avait écrit avec Eve Chiapello qui montrait comment l'économie avait récupéré à son profit les valeurs de la contre-culture . Cette fois en s'attachant au traitement de la marchandise il montre comment la classe créative des designers et des artistes travaillent – souvent à leur corps défendants – à augmenter la richesse des plus riches. Une remarquable démonstration.
Hugues DE SINGLY (CULTURE-CHRONIQUE.COM)



Lien : http://www.culture-chronique..
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