Citations sur Naufragé volontaire : Sans vivres sur l'Atlantique (32)
Mon anémie à l'arrivée sembla prouver que la vitamine B12 (facteur anti-anémique) ne se trouve en mer qu'en quantité restreinte.
J'avais miraculeusement obtenu que peu de bruit se fasse autour de mon projet . Je crois d'ailleurs que la souriante ironie et la bienveillante incrédulité du plus grand nombre servaient cette tranquillité. Je devais apprendre , pour dire vrai, que j'étais même le seul à "y" croire.
le poisson contient 50% à 80% de son poids en eau: c'était ce liquide qui allait me sauver de la soif, car il s'agit d'eau douce.
Naufragées des légendes ,victimes raides et hâtives ,je sais que vous n'êtes pas mort de la mer, que vous n'êtes pas morts de la faim, que vous n'êtes pas morts de la soif ,car ,ballotés sous le cri des mouettes , vous êtes mort d'épouvante.
Je sais que la fatigue de la mer rend superstitieux et la superstition rend faible et lâche. (p.160)
Je ne fais pas de "rêves alimentaires", et c'est la meilleure preuve que je n'avais pas faim, car la faim est avant tout une obsession. (p.172)
Pendant les soixante-cinq jours du trajet des Canaries aux Antilles, je n'ai pas eu de chance particulière et, en aucun cas, mon voyage ne peut être considéré comme un exploit téméraire, comme une exception.
J'ai maigri de vingt-cinq kilos et ai souffert de nombreux troubles. Ma peau déshydratée a subi une éruption généralisée sur tout le corps. Les ongles de mes orteils sont tombés. J'ai eu d'importants troubles oculaires, une très nette diminution de ma force musculaire et j'ai eu faim. Mais je suis arrivé vivant.
Samedi 15 novembre, 13 h 30 - Je profite de la pluie pour écrire un peu. Il ne me reste plus que deux avirons-gouvernails ; espérons qu'ils tiendront. Il pleut à torrents depuis 10 heures hier soir, pas le moindre soleil, je suis trempé. Tout est trempé, et pas moyen de sécher quoi que ce soit ; mon sac de couchage a l'air d'une serpillière.
Les rafales durèrent une dizaine d'heures, pendant lesquelles ma coque de noix fut admirable...
Je fus alors pris de ce qu'on pourrait nommer "l'angoisse du matériel", l'angoisse et la crainte que le matériel ne tienne pas, surtout ma voile blessée. J'écris dans mon journal :
Je croyais, avant de partir, que le plus dur serait de boire et de manger, mais non : c'est l'angoisse du matériel, et celle de l'humidité, qui n'est pas moins atroce. Il faut tout de même que je me couvre de mes habits trempés que je possède, sans cela c'est le froid qui me tuera.
Et je note, dès ce jour, comme conclusion :
Le naufragé ne devra pas enlever ses vêtements, même humides.