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Critique de PrettyYoungCat


Par ce témoignage, Adélaïde Bon nous livre son histoire de façon bouleversante et très courageuse.
Elle n'a que 9 ans quand, dans la cage d'escalier de son immeuble, un inconnu l'aborde. Il la touche. Et ces "attouchements sexuels" feront l'objet d'un dépôt de plainte à la police, mais restera longtemps en sourdine.

Ce qui se crie en elle, par contre, c'est l'entreprise de destruction massive que cet événement provoque en elle. Car d'abord, elle ne fait même pas le lien entre son malaise, profond, abyssal même - en fait ses séquelles psycho-traumatiques -, et le cauchemar qu'elle a vécu.

C'est la même violence insupportable qui se rejoue inlassablement, la même souillure qui se répète sans cesse. La peur. La honte. La détestation de soi. Les idées tortueuses et morbides.

Et puis, à force d'un long chemin, très douloureux, elle se souvient, perce cet écran que la psyché érige pour se défendre du traumatisme et, enfin, les mots justes émergent. Car il y a eu pénétration. Avec le doigt. Et toute pénétration (digitale, avec un objet, ou avec le sexe, qu'importe et quel que soit l'orifice), est d'office un viol lorsqu'il s'agit d'un(e) mineur(e). Sa plainte sera requalifiée à sa demande.

De l'importance des mots justes.
Car "on" (son entourage et la société en générale) a tendance à minimiser et la victime avec eux, ce que sont ces gestes intrusifs dans son intimité profonde. "Juste des attouchements" "C'est moins grave qu'un viol tout de même". Non.
Et puis, de l'incohérence du mot pédophile. Elle parle de pédocriminel. Car il n'y a rien d'aimant dans cette prise de possession de l'enfant comme celle d'un objet. C'est même d'une violence inouïe. Et c'est de cette violence qu'il jouit.

L'écriture d'Adélaïde, ses mots sonnent avec fracas et justesse. Dans son récit, elle passe du "elle" au "je" comme pour marquer le processus dissociatif à l'oeuvre entre le corps et l'esprit.
Les mots justes.
Le ton juste.

La plainte finira par aboutir trente ans plus tard, avec des dizaines et des dizaines de victimes reliées à un même coupable...
et ce choc est le détonateur d'autres souvenirs qui refont surface...

Ce témoignage secoue. Il peut déranger, créer le malaise de se sentir voyeuriste. Personnellement, ce n'est pas du tout de cette manière que je l'ai lu. Car il m'a permis de suivre le parcours psycho-traumatique d'une victime d'abus sexuels et que l'on sent qu'Adélaïde Bon a eu à coeur, outre la décharge cathartique, de sensibiliser tant le public que les victimes qui ne s'identifient pas réellement comme telles. Ce tremblement de terre intérieur, ces "méduses" comme elle les nomme, et de l'importance de les repérer pour pouvoir en guérir. Car c'est de ce silence, de cette non mise en mots justes que son traumatisme s'est engouffré pour mieux se gonfler d'horreur et exploser par symptômes terrifiants durant de longues années.

Son récit nous enrichit, suscite une empathie que l'on pensait certes acquise dès le départ mais pas dans de telles proportions. Et puis c'est aussi le portrait d'une résiliente qui a vaincu et revit.

Elle dénonce aussi, à juste titre, la prescription de ces crimes qui, pourtant, emportent une vie, comme une mort intérieure, qui elle est imprescriptible.

Un témoignage - et bien plus que cela - émouvant. Une gifle brutale et douloureuse, mais nécessaire pour comprendre ce chaos intérieur, le tumulte d'une identité dépossédée et hantée par la violence de l'agression.
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