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Critique de Malaura


La poésie d'Yves Bonnefoy s'écoule comme un murmure, un doux chuchotement. Quand on la lit, étrangement, l'on a envie de faire silence. Silence au fond de soi, au fond de son coeur, au fond de son être, porté seulement par le frissonnement que procure cette voix poétique prodiguée avec la légèreté et la grâce d'un souffle, furtive douceur d'une poésie qui se fait berceuse dans la ouate des sens.

Cela s'entend, cela s'écoute comme un chant de vie à la fois proche et lointain, comme une répercussion de notes où se jouent mémoire et temps présent, réalité et songe, une définition du monde dans un écrin de sens, dans le creuset où naissent les sensations et les émotions primales, où participe l'affect davantage que l'intellect.
Les mots s'épandent en chapelet de sons, nous faisant le don d'une musique intérieure, faisant vibrer une corde sensible en frémissant vibrato. « Aller, par au-delà presque le langage / Avec rien qu'un peu de lumière »…
La poésie d'Yves Bonnefoy est tout en réceptivité, elle puise sa sève dans le perceptif, dans l'intuitif et le sensoriel, dans l'entendement du coeur. « Couché au plus creux d'une barque / le front, les yeux contre ses planches courbes », on la vit comme un voyage sur l'embarcation des mots.

Comme souvent avec Yves Bonnefoy, le travail artistique est avant tout une exploration, et le recueil « Les planches courbes », rassemblant poèmes en prose et textes poétiques, est une entrée en méditation, une incursion au coeur du langage, du temps, de la nature, de la mémoire.
Le poète est un « faiseur de sens », le créateur d'ornements à la fois mélodiques et littéraires, il étanche à la source du verbe notre soif de beauté, de sérénité et de gravité ; il dessine une carte de l'intime à parcourir avec la pulpe des sentiments, il se fait passeur de mots qui, infusés, répandus au coeur de l'être, appellent images et impressions.

Poète du dépouillement et de la sobriété, puisant dans l'éther du langage, dans « les ruines de la parole », dans l'alchimie des mots, la connaissance imparfaite, incohérente, illusoire de ce qui nous fait et de ce que nous sommes, « navires lourds de nous-mêmes / débordants de choses fermées », regardant « à la proue de notre périple toute une eau noire / s'ouvrir presque et se refuser, à jamais sans rive. »
« Partout en nous rien que l'humble mensonge / Des mots qui offrent plus que ce qui est / Ou disent autre chose que ce qui est »…

Mais comme il est bon parfois de ne pas tout expliquer en poésie, de refuser toute interprétation extérieure qui viendrait fausser la donne de son ressenti pour se laisser, tout simplement, humblement, porter par la musicalité des mots !
Ecouter cette poésie comme voix murmurante, susurrante, bruissant comme des pas dans l'herbe fraîche un matin de rosée, ne comprendre qu'avec ses sens, qu'avec sa peau, qu'avec ce qu'impriment sur l'épiderme ces mots baignés de sensualité et de lumière, afin de mettre, subrepticement, dans le calme des nuits, « ses pieds nus dans l'eau du rêve »...
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