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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Evocation des guerres de religion, Les serviteurs inutiles romancent la vie des Feuillades, une famille périgourdine, dans la seconde moitié du XVI siècle endeuillée par les massacres de la Saint Barthélémy (24 aout 1572).

Deux générations se succèdent en cinquante ans. Gabriel, le père, combat en Italie avant de se ranger, d'épouser Louise de Peyrehaute et de vivre paisiblement dans son logis entourée de leurs deux enfants et de Marion, un divertissement ancillaire.

Le journal de Gabriel, première moitié de l'ouvrage, décrit la décennie 1561/1573, année de la mort de Phoebé, leur fille handicapée, et du départ brutal de l'ainé Ulysse, devenu adulte.

Ulysse rejoint les ligueurs et la seconde moitié du roman raconte ses campagnes dans le Dauphiné puis à Paris, avec un oeil vers Genève où s'est enfuie Flore, séduisante huguenote. Période de violences, de rapines, de pillages, d'épidémies qui atteignent le chateau des Feuillades.

Choc de générations, de personnalités, affrontement entre un philosophe plutôt sceptique (à la Montaigne) et un exalté que l'on qualifierait aujourd'hui de « radicalisé » (genre Ravaillac) , dans des paysages que Bernard Bonnelle connaît bien pour avoir été préfet dans cette région.

Magnifique roman, avec des personnages dont l'auteur analyse finement les doutes et les certitudes, une trame historique sérieuse (étayée par une chronologie détaillée), et une écriture élégante et sensible, pimentée d'expressions savoureuses et séculaires.

De quoi occuper quelques vesprées, devant l'âtre, tout en savourant un perdreau gisant sur un lit de choux et de raisins secs !
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Les Serviteurs Inutiles est l’œuvre d'un sage, Bernard Bonnelle. Il fallait sans doute être plein de sagesse pour se frotter à cet épisode douloureux de la guerre civile entre Huguenots et Catholiques qui ébranla la France sous Charles IX puis sous Henri III.
.
On est loin du Charles IX de Jean Teulé, loin des expressions violentes ou démesurées et si folie, il y a, il faut la dire, avec éclat, horreur, dégoût pour ce souverain instable, jouet de sa mère Catherine de Médicis, jusqu'à signer le décret et déclencher l'horreur de la St Barthélémy, puis à en devenir fou de remords.

Le récit ici est moins flamboyant, plus tenu, il faut comprendre, peser, évaluer en bon juge. Le sujet au fonds est l'éternelle contrefaçon de la foi et l'utilisation de celle-ci, à des finalités humaines hautement mercantiles. L'équilibre délicat et parfois acrobatique est le chemin suivi par le sage Gabriel des Feuillades confronté à ces fous de dieu qui se disent serviteurs et revendiquent la stature de serviteur de la vérité.

Bernard Bonnelle leur dit vertement, vous êtes des serviteurs inutiles.

Parfois Bernard Bonnelle, le sage, trempe sa plume dans une encre plus acide, le langage latin, et la religion cache l'obscurantisme comme «  ce fatras d'ordonnances ecclésiastiques et de confessions de foi, de dogmes et de doctrines, de conciles et de synodes, n'était pour elle que pharisaïsmes, complications et chicanes par lesquels on cherchait, bien vainement, à emprisonner la souveraine liberté de Dieu et à ramener sa majesté à la mesure de nos médiocrités. »

Ce roman se divise en deux longs monologues, deux vies couchées l'une à côté de l'autre, des mots qui heurtent, deux destins qui se dessinent, deux thèses, ou deux volontés farouches qui s 'affrontent , le père Gabriel des Feuillades et le fils Ulysse dans un dialogue à distance inachevé mais qui vous lessive tant la retenue de l'un fait contre poids à l'audace de l'autre.

Si l'on met le père dans le camp des septiques porteurs de la tolérance de Montaigne, Ulysse par contre est un catholique fougueux, intransigeant bras droit du duc de Mayenne dans l'armée catholique qui repoussera le Roi Henri III, hors de Paris en y créant un Paris autonome et catholique.

La grande qualité de ce roman historique est sans doute de l'avoir inscrit dans une région où la présence des Huguenots fut très forte entre Bergerac et La Rochelle dans les boucles de la Dordogne.
Les guerres qui ont secoué tout le pays ont germé dans ce décor, les hommes se connaissaient s'appréciaient, et pourtant, les familles se sont divisées.

Les saisons aux Feuillades se conjuguent aussi au présent. Ainsi la vie près de la Dordogne s'écoule comme la nature et l'amour de Gabriel pour sa famille, pour les arbres, les fleurs et pour ses vignes qui ajoutent une note charnelle, que Gabriel veut sauvegarder malgré les haines qui s’amplifient.
Bernard Bonnelle fait taire son passé d'officier quand il devient l'ardent défenseur de sa langue, recherchant le bon terme et nous faisant partager son goût des mots, comme fleurdelysée, les halliers, les paludes, embâcles étirés, halecret, poutraisons...

Cette pierre lancée par les huguenots n'a pas fini de se fracasser tout au long de notre histoire.
La sagesse n'est sans doute pas la vertu la plus vendue dans notre monde « Amazon », comme le suggère Fabrice Drouelle dans son émission Affaires Sensibles, la cupidité ou la sottise se portent bien.

Bernard Bonnelle a choisi le roman pour dire et s'émouvoir aussi, car au final c'est une belle réussite littéraire discrète, pesée, les uns trouveront le style trop lissé, la botte de l'officier s'exprime aussi et fait merveille, une parole libre, une écriture bien personnelle.

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Attention : coup de coeur !

La première partie est celle de la modération, de la sagesse, de la prise de recul. Gabriel des Feuillades, hobereau périgourdin, se tient en marge des conflits entre catholiques et huguenots, où il ne voit qu'excès. Il n'y a plus que dans la nature – les arbres, les étoiles – qu'il trouve un équilibre, alors qu'il fait tout pour que son domaine conserve une position neutre. Son seul péché, c'est son infidélité envers sa femme, Louise, épousée sous la pression de sa mère, alors qu'il était amoureux d'une servante, avec laquelle il entretient encore, des années plus tard, une liaison. le style est enlevé, avec des fulgurances – à la fois dans l'écriture et sur le fond.

Le début de la deuxième partie, c'est le négatif de la première. On revisite, avec les yeux d'Ulysse, toute cette histoire. Et cela nous montre à quel point ce qu'une personne ressent reste souvent inaccessible aux autres. À quel point ce qui semble parfaitement raisonnable à quelqu'un peut être interprété de façon totalement différente par quelqu'un d'autre. Et cela arrive tellement souvent dans la vraie vie que cette leçon me semble très utile…

On voit Ulysse se débattre dans un véritable conflit de loyauté. Il respecte et admire son père, au début, il en attend juste de la reconnaissance. Mais, petit à petit, cette attente se mue en agressivité, en rage incontrôlable. Une colère dont le paroxysme est atteint à la mort de sa soeur, Phoebé, et qui le pousse à quitter les siens.

Et puis on va accompagner Ulysse dans sa propre évolution. Dans ses rapports avec son père, il va passer de l'admiration à l'agacement, à la colère, à l'opposition radicale, avant de commencer à comprendre…

Ce livre parle de la vie, de la mort, de l'amour. Bref, de ce qui compte réellement dans nos existences !
Lien : https://ogrimoire.wordpress...
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Les Guerres de Religion ont inspiré romanciers et cinéastes, voir récemment la Princesse de Montpensier par exemple. Et bien ce roman se situe là.
Gabriel des Feuillades a fait les guerres d'Italie (comme le père de Montaigne) et choisit de vivre retiré sur son domaine.

Il mène un vie tranquille, partageant son temps entre l'étude de la botanique, la lecture des anciens, ses vignes mais aussi parce qu'il n'est sage qu'à moitié quelques dévergondages avec sa servante.

Il a une épouse tendre, un fils qui rêve de gloire, une fille un peu différente des autres enfants.

Gentilhomme périgourdin Gabriel a eu son comptant de batailles et de blessures et cherche aujourd'hui les compromis, l'isolement lui convient et si il n'a pas de tour pour se retirer comme son illustre voisin, il va néanmoins servir de médiateur local entre catholiques et protestants alors que lui-même professe un sage septicisme « Eadem sunt omnia semper » *
Lorsque les événements dégénèrent que le pillage, les tueries reprennent Ulysse, le fils révolté qui rêve de gloire, va partir participer aux combats terribles des fous de Dieu, les fils s'opposent aux pères c'est bien connu.

Alors que le père aspire à la sagesse

« Je rêve d'une autre religion, dit-il, toute nouvelle ou très ancienne, sans dogme ni culte, sans prêtres ni guerre, dont le seul exercice de piété serait la joie d'être au monde »

Le fils lui il exècre l'attitude de son père et rêve d'en découdre

« Vos livres, votre jeu d'échecs, vos écritures, votre herbier, votre feinte sagesse, votre incroyance, vos sourires et vos sarcasmes, tout cela m'était plus que jamais insupportable. » et affirme « je consacrerais ma vie à un combat juste et grand »
J'ai pris un très grand plaisir à cette lecture, pour le sujet d'abord qui m'intéresse malgré pas mal de lectures engrangées, et puis pour l'écriture, quelle élégance ! je suis tombée sous le charme.

J'ai lu le journal du père, et le récit du fils qui jamais ne se rejoignent et si il y a une chose certaine c'est que Bernard de Bonnelle a du tomber un jour dans la marmite des Essais !
Il semble que ce récit ressemble aux écrits de Brantôme, ma curiosité est éveillée !!

* Tout est indifférent ou tout est toujours pareil - Lucrèce de rerum natura

Lien : http://asautsetagambades.hau..
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