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Critique de encoredunoir


Mina et Jonathan Martin ont quitté Paris, la ville et la société de consommation desquelles ils avaient fini par se sentir prisonniers pour rénover une maison d'éclusier au bord du canal du Berry. Mais ce retour à la nature et à de supposées « vraies » valeurs est perturbé le jour où le jeune couple voit débarquer un nouveau voisin, Vladimir Martin, qui vient d'acheter la maison d'éclusier la plus proche de la leur. Un Vladimir avenant, charmant, riche, mais qui semble aussi vouer peu à peu aux Martin une attention pour ne pas dire un culte que Jonathan ne tarde pas à trouver aussi malsain qu'inquiétant.

Après le thriller beauceron à base de tueur en série (La France tranquille), Olivier Bordaçarre revient avec du noir psychologique berrichon qui n'hésite pas à lorgner du côté du fantastique avec cet étrange Vlad chez qui on aura bien entendu rapidement identifié le vampire. En effet, outre le patronyme, référence au fameux voïvode roumain Vlad Tepes inspirateur du personnage de Dracula, Vladimir Martin a tout de la créature suçant la moelle de la vie rêvée de Jonathan Martin. Ne se contentant pas de s'approprier son nom, il va en effet, peu à peu calquer sa vie sur celle de son voisin, achetant les objets qui lui feront lui ressembler (à commencer par sa collection de disques de blues et sa voiture), mais en mieux, et tentant petit à petit de s'accaparer la femme et l'enfant de Jonathan.

Ce mimétisme, d'abord amusant, puis de plus en plus inquiétant est pour Olivier Bordaçarre le moyen de donner libre cours à ses interrogations. Sur le retour à la nature, le refus de la société de consommation et la difficulté à s'adapter à ce genre de nouveau mode de vie pour une population que l'on qualifie parfois un peu vite aujourd'hui de bobo quand elle n'est souvent ni vraiment bourgeoise (les Martin, ici, sont plutôt modestes) ni forcément bohème si ce n'est qu'elle peut avoir un certain goût pour la culture sans être saltimbanque. Plus que cela encore, Bordaçarre s'interroge sur le couple, sur les limites des sacrifices consentis pour atteindre un idéal de vie que l'on peut ne partager que jusqu'à un certain point. Daemon ex maquina, Vladimir est le révélateur des failles qui existent entre Jonathan et Mina, personnification d'un consumérisme séduisant que la femme de Jonathan n'est pas forcément prête à abandonner bien que, par amour plus que par convictions, elle ait accepté de suivre son époux dans ce changement radical de vie.

On avait pu reprocher à Olivier Bordaçarre, dans La France tranquille, une propension parfois agaçante à se montrer trop démonstratif dans ses thèses. Ici, s'il n'est pas permis de se tromper sur l'opinion de l'auteur, celui-ci laisse bien plus de latitude au lecteur et ne se sent pas obligé de s'expliquer. On ne saura d'ailleurs pas d'où vient Vladimir, ni pourquoi il est là. Il y est et c'est tout. À partir de là, Bordaçarre tisse méticuleusement son suspense, instille habilement le malaise, transformant le petit paradis ouvert que représente cette berge de canal en un marigot exhalant de plus en plus clairement une odeur de corruption.
Ce faisant, il livre un beau livre dont les pages laissent peu à peu sourdre la frustration des personnages, révélant leurs vrais désirs, ou à tout le moins ce qu'ils pensent être leurs désirs ; un roman vénéneux et malin jusqu'à un ultime et redoutable retournement qui laissera au lecteur le loisir de se questionner encore.

Lien : http://www.encoredunoir.com/..
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