Citations sur Tirons la langue : Plaidoyer contre le sexisme dans l.. (9)
Laissons l'Académie française où elle est, c'est-à-dire à la traine, et avançons.
Les normalisateurs débattent donc. En 1635 est créée l'Académie française dont le but est d'encadrer la langue française. En 1647, le grammairien Claude Favre de Vaugelas écrit: "[...] Le genre masculin étant le plus noble doit prédominer chaque fois que le masculin et le féminin se trouvent ensemble." En 1651, Scipion Dupleix écrit à son tour: "Parce que le genre masculin est le plus noble, il prévaut seul contre deux ou plusieurs féminins". En 1675, l'abbé Dominique Bouhours écrit que "lorsque les deux genre se rencontrent, il faut que le plus noble l'emporte".
"Le féminisme est l'idée radicale que les femmes sont des personnes"
Marie Shear
« Le féminisme est l’idée radicale que les femmes sont des personnes » (Marie Shear)
On comprend ainsi "aisément" à l'oral comme à l'écrit que "ma·n ami·e" désigne une personne à laquelle je tiens et/mais que préciser son sexe social ou son genre n'a soit pas d'intérêt pour moi dans l'absolu, soit pas d'intérêt de cette manière (via l'accord grammatical), soit pas d'intérêt à ce stade de la discussion. Chose impensable, indicible si l'on se contente de la grammaire académique.
On l'aura compris, si pour nous la reféminisation de la langue est indispensable, nous pensons que notre réflexion et nos pratiques doivent se mettre en cohérence avec un autre but: en finir avec le genre (social) et donc avec sa binarité (qui se retrouve dans notre langue). C'est pourquoi il nous semble indispensable de créer, ou plutôt de démocratiser l'usage du troisième genre, universaliste, lui.
Cela pose, ou devrait poser, deux questions aux locuteur.rices (humanistes) de notre langue. D'une part, que faire face à la violence qui impose à une personne intersexe (sauf à se couper du monde) de (se) parler et (donc) (se) penser dans un système binaire qui l'exclut de facto?
[...]
D'autre part, le genre grammatical binaire n'est pas problématique que pour les intersexes uniquement. Ainsi, si l'on considère que masculinité et féminité sont des concepts problématiques (parce que - plus ou moins - étanches par définition, parce que construits de manière hiérarchique) comment ne pas les renforcer, comment les combattre efficacement si dans les discours nous nous y référons, nous nous y attachons en permanence via le genre grammatical? Comment se libérer d'un carcan s'il n'y a d'autre choix que de s'y rattacher.
Il s'avère que le grec ancien et le latin, comme leur supposé ancêtre, comportaient trois genres grammaticaux. Pourtant le français, qui découle (notamment) de ces langues, n'en a que deux, le masculin et le féminin, le neutre ayant disparu.
Comment "L'homme a [-t-il] "confisqué" symboliquement la qualité d'être humain à son profit"? Si la question est importante, celle qui motive ce texte est que faire quand on en est là? Et la solution est simple: en fini avec ces polysémies par l'abandon de l'usage du mot femme pour désigner une épouse et de celui du mot homme (avec ou sans -s comme dans "les hommes préhistoriques", avec ou sans majuscules comme dans "les Droits de l'Homme") pour désigner les êtres humains.