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Critique de pompimpon


C'est une histoire assez méconnue que propose Gilbert Bordes, comme souvent avec la plupart des reines de France.
Pour marquer L Histoire quand on n'est "que" reine de France, il faut avoir un très gros caractère ou avoir assuré la régence, ou bien encore avoir été guillotinée.

Celle dont il est question avait certainement du caractère pour faire face à ce qu'elle a vécu, mais L Histoire ne l'a pas retenu, et elle n'a été ni régente, ni guillotinée.

Elle se nommait Ingeburge, fille du roi de Danemark.
Elle avait quitté son pays natal pour devenir la seconde épouse de Philippe II Auguste, veuf d'Isabelle de Hainaut, et monter sur le trône de France. Elle n'avait pas vingt ans, ne parlait pas un mot de la langue de son époux, et ne savait pas ce 14 août 1193 que sa vie allait se transformer en cauchemar.

À peine sacrée reine le lendemain de ses noces, Philippe Auguste exigeait son retour au Danemark et l'annulation du mariage.
Pourquoi ?

Gilbert Bordes propose une hypothèse vraisemblable qu'il relie habilement à une forme de superstition.
On ignore ce qu'il en a vraiment été de la nuit de noces, mais il est permis de souligner que Philippe Auguste avait déjà voulu répudier Isabelle de Hainaut, épousée lorsqu'elle avait dix ans, sous prétexte qu'elle ne lui donnait pas encore d'enfant à quatorze ans !

Concernant Ingeburge, il n'en démordra pas pendant de nombreuses années, faisant mener une vie infernale à son épouse réfractaire à toute annulation de leur mariage. Laquelle vie infernale a pris la forme d'enfermements successifs dans divers couvents, plus ou moins confortables, et plutôt moins la plupart du temps.

Gilbert Bordes décrit précisément le calvaire de cette jeune fille qui ne comprend rien, ni à ce qui lui arrive, ni à ce qui l'entoure, faute de parler la même langue.
Il explique avec finesse l'acharnement à voir reconnaître son droit de cette épouse bafouée par un nouveau mariage de Philippe Auguste, faisant de lui un roi bigame excommunié par Innocent III et jetant l'interdit papal sur son royaume pendant neuf mois en 1200.

L'auteur mêle l'histoire et la fiction, avec un personnage romanesque attachant, Guilhem de Ventadour, enfant bâtard des Ventadour, une force de la nature, chevalier et troubadour, pris entre le marteau et l'enclume, entre Philippe Auguste dont il est l'un des proches conseillers et Ingeburge que le roi l'a chargé de surveiller.
Cela ne peut que mener à la catastrophe, mais comment résister à l'envie d'aider cette pauvre reine victime de l'ire royale ?

Nous voilà partis pour un récit intéressant et plein d'incertitudes pour qui ne connaît pas le sort de la Reine Ingeburge.
Les descriptions bien documentées des modes de vie, des lieux, des relations entre les êtres régies par une certaine étiquette, la vraisemblance des situations mettent des couleurs à ce combat forcément inégal entre la prisonnière et le roi.

Philippe II Auguste, dont je ne savais pas grand'chose hormis qu'il avait ordonné la construction de l'enceinte portant son nom qui cerna Paris à partir du XIIe siècle et que François Ier puis Henri IV achevèrent de faire détruire (on en trouve encore des vestiges dans Paris), n'est pas présenté à son avantage dans ces pages.
C'est un homme petit, borgne, chauve, malingre, qui donne des coups de pied à son chien et pique des colères dévastatrices.
Comme il n'est pas question dans ce livre d'Isabelle de Hainaut, je n'en dirai pas davantage en ce qui concerne son premier mariage, mais les circonstances du second et l'acharnement du monarque à faire annuler son union, qui ira jusqu'à produire des faux pour obtenir cette annulation auprès du pape, ne risquent pas de nous le rendre sympathique.

L'entêtement d'Ingeburge , bien qu'à peu près incompréhensible vu de nos petites fenêtres du XXIe siècle, est bien expliqué à plusieurs reprises, sa situation aussi, inextricable pour une personne de son rang au coeur du Moyen-Âge.

C'est une lecture vraiment intéressante, bien écrite et fouillée, qui nous emmène dans le sillage de cette reine sans couronne et de ce roi sans vergogne, au sein de ce royaume cerné par les terres tombées entre les mains des Anglais après le mariage d'Aliénor d'Aquitaine, belle-mère de Philippe II Auguste, avec le roi Henri II Plantagenêt.
Les considérations politiques entre les deux royaumes et concernant le royaume de France au sein d'une Europe plutôt hostile ne nuisent pas au propos, bien au contraire. L'aspect romancé reste bien présent, avec le trio formé par Ingeburge, Guilhem et Philippe II Auguste, bien tissé au fil de l'Histoire.

Je remercie #netgalleyfrance, #pressesdelacité, ainsi que l'auteur pour cette découverte.
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