La dernière nuit de Pompéi - Gilbert Bordes
Port de Pompéi, le 21 octobre 79, 11 heures
74 heures et 21 minutes avant l'éruption du Vésuve
_ Maître, plus je réfléchis, plus je e dis que ce n'est pas une bonne idée de revenir à Pompéi.
_ Massimus, arrête de jouer les trouble-fête ! Je ne pouvais pas renoncer.
_ C'est quand même curieux... poursuit Massimus tout en regardant la côte et le port se rapprocher. Pendant des années, tu n'as cessé de me répéter que tu ne poserais plus jamais le pied dans cette maudite ville et voilà qu'il a suffi qu'une conteuse d'avenir vienne te dire que tes enfants étaient vivants pour te faire changer d'avis, alors que ton astrologue t'avait averti que c'était folie !
L'amour entre un homme et une femme, c'est si rare qu'il ne faut pas le gaspiller. Ca vient quand tu l'attends pas parce que tu le portes en toi, une petite graine d'amour qui va, tout d'un coup, germer et grandir. Mais ça meurt aussi ...
Noël arriva. Soeur Jeanne proposa à Yann et Elisabeth de les marier aux premiers jours du printemps.
- D'ici là, seuls les imbéciles diront que vous vivez dans le péché, annonça la religieuse. Dieu ne condamne pas ceux qui s'aiment.
- J'ai repéré une cave où l'on va pouvoir goûter le vin et en acheter un carton. J'ai bavardé avec un employé. Il paraît que le fils de la maison était journaliste au Monde et qu'il a laissé tout tomber pour prendre la succession de son père !
- Il a bien fait ! Le vin, c'est plus important que tout ce qu'on peut raconter dans un journal !

Ceux qui ont passé la nuit dans les entrepôts du port et sur le rivage aperçoivent alors un mur incandescent rouler vers eux à une vitesse terrifiante.
Tout ce qui se trouve sur son passage est aussitôt englouti dans un bruit monstrueux. La terre vibre, comme sous le martèlement d’un immense troupeau de chevaux. Les habitants qui sont restés dans la ville se précipitent vers la mer, certains que dans l’eau ils seront à l’abri. (…)
Au port, les réfugiés voient le mur rougeoyant passer par-dessus les maisons, les engloutir, submerger la plage, avaler les hangars à bateaux, les entrepôts des commerçants. Quand la nuée atteint la mer, de gigantesques explosions projettent les ponces qui tapissent la surface avec une gerbe d’écume. Le feu se mélange à l’eau dans un bouillonnement intense et un bruit indescriptible, mais il n’y a plus personne pour l’entendre. D’épaisses colonnes de fumée grise, mélange de vapeur d’eau et de cendre, montent à l’assaut du ciel bleu, forment des nuages sombres où crépite la foudre.
Puis le silence retombe sur Herculanum, un silence étrange, profond, celui de la mort.
A cette époque, les hommes ne s'occupaient pas plus des enfants de la maison que des poules ou des lapins. C'était le travail des femmes, et personne n'aurait osé faire le moindre projet pour un fils avant qu'il ait dépassé dix ou onze ans. Les croutes de lait, le croup, la rougeole, les diarrhées, le mal de ventre et toutes sortes de maladies ne manquaient pas pour vider les maisons souvent trop pleines.
Ils étaient des terre-neuvas, des marins tellement différents des autres! Ils ne partaient pas vers un port, mais vers l'océan, pour n'accoster nulle part. Ils allaient vivre plusieurs mois confinés dans ce bateau qui serait à la fois leur prison et leur liberté. Ils étaient fiers. L'océan, le vent, les nuages, voilà leurs alliés et leurs pires ennemis. Ils savaient que des tempêtes les attendaient, que le bateau pouvait chavirer sous la force d'une énorme vague ou se briser contre un iceberg, mais ils acceptaient ce risque, leur véritable vie était là-bas.
La lune joue avec la brise, des formes lumineuses courent sur la surface.
- Tu dis aussi, ajouta le lépreux, que-que si on te ta-a-pe sur une joue…
D’un geste, Jésus l’arrêta et sourit :
- Si tu as un animal furieux en face de toi, tu as le devoir de te défendre par la force. Et quand il y en a plusieurs, les animaux comme les hommes ne pensent plus par eux-mêmes.
Par ces paroles, Jésus ne venait-il pas de justifier la guerre, les luttes fratricides entre provinces et factions qui endeuillaient la Palestine ? Il conclut :
- Les coupables sont ceux qui portent le premier coup.
— C’est quoi, communiste ? demanda Arnaud, qui avait déjà entendu ce mot toutefois obscur.
— Je sais pas, répondit Lilly. Ici, beaucoup de gens sont communistes. Je sais que Paul crache par terre quand il passe à côté du curé ou de M. Charron.
Arnaud aurait bien voulu être communiste pour avoir le droit de cracher chaque fois qu’il en avait envie.