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Critique de marko59


Bosco nous immerge d'abord dans un quotidien et une nature très réalistes et pittoresques (même si les noms des personnages et les repères temporels, rythmés par les cérémonies religieuses, inscrivent déjà le récit dans une dimension métaphorique) puis la montagne devient magnétique, envoûte littéralement Constantin. Les descriptions de la terre et de la végétation sont impressionnantes et dignes de la grande littérature fantastique romantique dont Bosco est un héritier.

Puis il y a la rencontre avec la terre aride transformée en Paradis par Cyprien qui m'a parfois fait penser au Kurtz de Conrad dans Au coeur des ténèbres (autre référence assumée de Bosco). Cet homme dont le nom évoque les pays lointains, qui a traversé les mers et qui connaît les rituels et les sortilèges les plus anciens. Il est comme un magicien très ambigu qui a la volonté de recréer le paradis terrestre mais s'apprête surtout à faire ressurgir les aspects les plus ténébreux de la nature humaine. Il est un ensorceleur comme le dieu Pan qui charme le serpent des caraques avec sa Syrinx, qui hypnotise les animaux puis les deux enfants. La scène onirique où Constantin est envoûté par le son de la flûte à la pleine lune est magnifique. Comme toutes les scènes avec le serpent. On pense aussi à l'orphisme.

Il y a plusieurs paradis terrestres dans ce roman d'ailleurs. Celui de Cyprien mais aussi celui du jardin de l'abbé Chichambre qui est évoqué au début et celui de Hyacinthe. Ils passent inaperçus car on n'y revient pas mais ils sont là. On retrouvera celui de Hyacinthe dans la suite du roman (Le Jardin d'Hyacinthe). Ils sont plus modestes et se contentent de cultiver leur petit coin de terre.

La prose de Bosco tient vraiment du grimoire de sorcellerie. Par sa poésie symbolique et son amour de la nature qui tente de faire revivre les éléments et les plantes en les nommant. Ce qui est le propre de l'incantation magique.  On retrouve cet enchantement par le son d'un chant ou d'une flûte dans d'autres romans. "Monsieur Carre-Benoît à la campagne" bascule de la même façon dans une autre dimension onirique la nuit tombée. Comme si les personnages se dédoublaient, se mettaient à suivre leur ombre. La quête initiatique impose cette plongée dans les ténèbres et la peur qui les confronte à eux-mêmes (cet enjeux autour de la mort du renard, la transgression de l'interdit avec ce pont à traverser puis cette branche qu'on arrache au jardin).

L'âne est un passeur qui porte des pantalons de manière traditionnelle à la saison froide puis les perd rapidement. En revanche il est décrit de manière quasi anthropomorphique et est doté d'une "âme" sans même qu'il joue un rôle précis dans cette histoire en dehors de créer le lien entre les deux mondes. Il y a certainement un lien avec le récit bibilique du Christ entrant dans Jérusalem puisque c'est bien cette période d'avant la résurrection qui est évoquée mais il est aussi une référence plus archaïque probablement.

Cette oeuvre est incroyablement riche et dense malgré un titre qui pourrait inviter au pittoresque et au conte. Je suis toujours étonné que l'âne culotte soit publié en édition jeunesse, dans une version très abrégée il est vrai.
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