Citations sur L'éternelle truanderie capitaliste (28)
[…] le marché des changes où l’on achète et vend les devises de tous les pays enregistre, sur le plan mondial, un montant quotidien d’environ 5 000 milliards de dollars. Or, le montant quotidien des échanges mondiaux de biens et de services s’élève en moyenne à 72 milliards de dollars sur les dernières années. Cela signifie qu’une dérisoire proportion de 1.46% des transactions sur le marché des changes couvre la totalité des besoins en devises des exportateurs et importateurs mondiaux de biens et de services.
A quoi servent les 98.54% restants de l’activité sur ce marché des changes ? A autre chose : des opérations de couverture, des opérations à terme, et surtout, surtout, surtout… à la spéculation.
Le capitaliste […] autorise les monopoles purement privés, même si ces derniers sont totalement contraires à l’intérêt général.
Les grands prêteurs internationaux sont persuadés depuis longtemps que les Etats ne remboursent jamais leurs dettes ; ils n’ont pas cette touchante naïveté. Pour eux, le problème n’est absolument pas là. Ils raisonnent différemment : un Etat n’est pas un ménage qui contracte un emprunt sur vingt ans pour financer son logement. Un Etat est une entité éternelle ; si cette entité éternelle peut vivre confortablement, à un moment donné de son histoire, avec un taux d’endettement de 100% du PIB, alors il peut vivre pour l’éternité avec cette dette de 100% du PIB. Il lui suffit de maintenir le taux de chômage, le niveau de croissance, le montant de recettes fiscales et les équilibres budgétaires qui lui ont permis de contracter ou de renouveler cette dette, et qui permettront de payer les intérêts.
La dette publique est en effet de nos jours la plus grande source d’illusions, d’avis erronés et d’imbécillités du monde.
La première question à se poser est en effet la suivante : cette dette, un pays doit-il véritablement la rembourser un jour ? Pourquoi ne pas tout simplement dire aux créanciers : « Messieurs, voilà déjà bien longtemps que vous encaissez des intérêts pour cet argent que vous avez obtenu gratuitement auprès de votre banque centrale, et dont vous n’avez apparemment pas l’usage puisque vous l’immobilisez depuis des années pour financer notre dette. Désormais, c’est terminé ! Provisionnez donc tout cela dans vos comptes, et on n’en parle plus ! »
La Russie bolchévique a procédé ainsi, puis a traversé l’histoire économique du XXe siècle dans les conditions que l’on sait. Cet immense pays, après ce défaut de paiement qui fut le plus célèbre, le plus important et le plus ruineux de l’Histoire, est sorti de cette période communiste avec un endettement remarquablement bas : en 2016, tandis que la Russie était devenue depuis de nombreuses années un membre très actif de l’économie de marché, sa dette publique s’élevait à 18% de son PIB, soit environ cinq fois moins que la France.
Un pays peut donc tout simplement ne pas payer ses dettes, et s’en tirer finalement beaucoup mieux que ses créanciers.
[…] d’une manière générale, les grandes nations industrialisées n’ont jamais remboursé leur dette publique. […] Le nominal de leur dette, c’est-à-dire le montant de celle-ci, n’a jamais diminué, sauf dans des situations très particulières comme l’effacement de la dette allemande en 1953.
Les investisseurs n’ont strictement aucune envie que l’Etat français, ou d’autres qui constituent leur cœur de cible pour le placement de leurs fonds, remboursent massivement leurs dettes. En effet, où placeraient-ils leur argent ? Quel investissement aussi sûr trouveraient-ils ?
Fourrer le client signifie lui placer des produits dont il n’a nul besoin, qui ne correspondent pas à ses intérêts mais qui, en revanche, favorisent outrageusement les profits de celui qui les vend, c’est-à-dire le trader lui-même et la firme qui l’emploie. En français républicain, stuffing the client, c’est entuber : une forme de spéculation à son propre profit en escroquant ceux à qui l’on prétend rendre service.
[…] combien y a-t-il d’intervenants significatifs sur ces fameux marchés financiers ? Très exactement quatorze : quatorze institutions financières géantes, toutes plus puissantes que des Etats, qui concentrent 96% de l’activité des marchés financiers mondiaux. Hors de ce club très fermé où quiconque ne peut plus prétendre entrer, point de salut. Rien n’est plus éloigné de la définition d’un marché libre.
En 2013, les quatre plus grands banques américaines ont réglé un total de 50 milliards de dollars d’amendes. Mais malgré des pénalités apparemment colossales, ces mêmes quatre plus grandes banques américaines ont néanmoins dégagé 65 milliards de bénéfices nets au cours de cette même année 2013 ; quant à l’addition de ce qu’elles ont gagné en vendant, refinançant ou structurant des subprimes pendant plus d’une décennie, c’est bien évidemment presque impossible à savoir, mais cela se chiffre en centaines de milliards de dollars.
Pour Kondratieff, la capacité du capitalisme à se renouveler était l’élément essentiel de sa pérennité.
Certes. Dans une large mesure, c’est vrai. Mais d’autres facteurs apparaissent au moins aussi déterminants dans la victoire du capitalisme financier moderne : la libre spéculation, la capacité à s’endetter presque sans fin, les marchés ultra-dominateurs, l’insensibilité aux bêtises à répétition des économistes, la justice très accommodante, les élites autoreproductibles, le mépris des frontières ; le tout assaisonné d’une bonne dose de cynisme et d’une absence fondamentale de scrupules.