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Critique de gerardmuller


Les Combattants du Petit Bonheur/Alphonse Boudard/Prix Renaudot 1977
« …Cette situation d'enfant naturel, ça m'a pas trituré métaphysique. Je suis le fils de rien, de personne…je ne m'en sens que plus libre de mes mouvements…je m'en suis toujours parfaitement arrangé. Pourtant en ce temps, c'était une sorte de tare. On était le produit de l'amour défendu…J'ai appris très vite à tricher… Dès le début, à la communale avenue De Choisy, je me suis toujours abouché, acoquiné avec la fine fleur du ruisseau. Mes classes je les ai suivies dans le fond, près du poêle…en compagnie des attrapeurs de mouches, des idiots, des malpolis, ceux qui jactent l'argomuche… »
Dès l'entame de ce récit conduit avec une verve argotique incomparable, Alphonse Boudard nous confie la tache de sa biographie, celle qu'on ne peut jamais effacer, mais dont il a su s'affranchir sans état d'âme. de 1938 à 1944, il a vécu sept années avec sa bande de copains et nous offre alors un récit plein d'humour, d'ironie et d'émotion de cette période, une chronique de temps de guerre quand on a entre 13 et 19 ans. Roi de la débrouille et as du marché noir pour survivre, il vécut l'Exode avant de rejoindre plus tard les maquisards dans la région de Pithiviers. Il a des rêves de grandeur plein la tête, et aussi des petits projets crapoteux, car il aime le risque et souventes fois il a le trouillomètre à moins quarante. Ne dédaignant pas de fréquenter les maritornes et autres filles faciles des bas quartiers, il est comme ses copains obsédé par le sexe…ce qui nous vaut des passages d'une haute tenue quant à la façon de s'y prendre pour faire cela dans un recoin de porte cochère.
En fait Boudard n'écrit pas, il nous parle à chacun d'entre nous, nous prend à témoin sur le ton de la confidence : « Pour bien vous narrer, chalands attentifs…vous faire aussi marrer, j'espère, il faut que je remette un peu d'ordre dans la chronologie des choses… » Les clins d'oeil ne manquent pas, aussi bien à Brassens qu'à Baudelaire et même Sartre et bien d'autres écrivains et hommes célèbres.
le temps passe, la guerre se poursuit, il faut être blindé contre la chtourbe et ruser pour la vaincre au jour le jour, et notre héros veut à tout prix rejoindre la Résistance avec son groupe de copains. Ils sont bien là les combattants du petit bonheur, farauds, bravaches avec leurs pétoires démodées, derrière les sacs de sable…le doigt sur la détente ! L'époque est à la méfiance et on se défie de tout nouvel arrivant qui peut être un sycophante déguisé. Et puis il faut bien se donner du bon temps avec les pavutes racoleuses même en temps de guerre qui voit les Parisiens comme les autres s'envoyer en l'air : « La constante … les catastrophes…guerres…inondations…tremblements de terre…le bipède trouve l'occase de copuler…que son sperme jaillisse joyeux ! L'instinct toujours…le bas…tant pis ! » Et puis il y a la façon de faire avec l'expérience : « je pense à présent qu'il faut se conduire toujours en homme du monde avec les putes et souvent en julot avec les bourgeoises. »
Au delà de son aventure personnelle durant la libération de Paris, Boudard nous montre la face cachée ou tue de cet épisode parfois rocambolesque, une incroyable pagaille dans l'incohérence la plus totale durant laquelle chacun faisait un peu n'importe quoi en jouant au héros gradé : « …tellement à présent il y a de colonels qu'on s'y retrouve plus…super-colonel F.F.I…le nouveau grade !
Et puis les Américains sont entrés dans Paris : « À pinces je suis remonté à travers le populo qui se massait sur le passage des Amerloques. Jamais vu pareilles réjouissances publiques…Ç'aurait pu être la fête la plus extraordinaire, la plus grandiose sans conteste…Seulement la grande chasse aux traitres, aux collabos était ouverte. Tout un secteur de vilenies, de reniements, de délations, d'atrocités. C'est devenu très vite immonde, impitoyable, injuste très souvent, sans rapport avec les actes reprochés. Les plus mouillés, les plus marles n'avaient pas attendu qu'on vienne les chercher à domicile au petit jour. Restaient alors les imbéciles, les gogos, le menu fretin. La France avait tout de même besoin d'exorciser ses gros péchés maréchalistes, de se les laver dans le sang si possible. Il lui fallait des victimes expiatoires. Les premières, les plus faciles, ce furent les femmes, les collaboratrices du lit de l'occupant, les horizontales…Autour, il y avait, parmi les hurleurs, les bourreau, d'affreux petits mâles complexés, déçus…bien des rancoeurs de calcif…des instincts sadiques qui se réveillaient…se donnaient libre cours…des choses qui remontaient du fond de l'égout… » Une triste époque évoquée avec une verve inimitable, pleine d'un humour des rues, une chronique sans concession, un témoignage vécu au plus près de l'action par des héros malgré eux, un livre émouvant et prenant.
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