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Critique de patloc


Voilà une aventure littéraire bien difficile à raconter. « le Maitre et Marguerite « est un classique de la littérature russe plutôt contemporaine, maintes fois chroniqué, analysé, décortiqué dans des articles ou des livres savants. Je ne vais pas m'aventurer à faire ou défaire ce qui a déjà été si bien et si souvent, proposé. Je voudrais plutôt décrire dans quelles circonstances je l'ai choisi, lu, passionnément aimé, et le ressenti que j'ai pu en avoir, dans le seul objectif de « contaminer » d'autres lecteurs !
Je m'étais plongé dans le livre « le Gang des rêves » de l ‘écrivain Italien Luca di Fulvio, si bien noté par de nombreux lecteurs, sur le forum et ailleurs, au point de trouver si peu d'avis critiques ou négatifs. Quelques-uns toutefois. L'émotion de la disparition de son auteur avait encore fait mousser l'engouement pour ce roman. J'étais intéressé pour y musarder. Mais, désolé pour les amateurs, arrivé à la centième page de cette histoire si souvent racontée, , en littérature comme au cinéma (chez Scorcese par exemple) c'est rare, mais ce livre, à tant d'autres pareil, m'est tombé des mains. Impossible de m'y mettre, de m'attacher aux personnages et surtout à l'écriture plate, sans relief, sans emphase, sans style, au point d'avoir l'impression de n'être que sur un canevas littéraire, une ébauche, une histoire en attente, un plan de travail peut être, sans jamais dépasser le seul stade des notes de lecture. Je me suis dit, tu fais une pause, tu le mets de côté et tu le reprendras plus tard. J'avais vraiment besoin de me nourrir d'un style fort, riche, d'une écriture inventive, qui me transporte ailleurs, dans d'autres sphères, de grandes pointures de la littérature. En même temps, je n'avais pas envie de me plonger chez Tolstoi, Dostoievsky, Tchékov , lus pourtant il y a longtemps et toujours admirés.
« le Maitre et Marguerite » me faisait de l'oeil depuis longtemps, livre lu et relu par un de mes fils, trainant, sur une étagère, couverture cornée, et pages ternies par de multiples lectures. Alors pourquoi pas relever le niveau, et le défi, avec Boulgakov, Écrivain Russe, Médecin, plus contemporain, disparu en 1940, donc plus proche de nous d'autant que le livre avait été publié seulement en 1973, dans sa version finale par son épouse. Un bon CV quoi. Pourquoi ne pas combler dans le même temps une lacune littéraire. Version moderne et Russe de Faust, évoluant en 3 forces indépendantes et complémentaires. La visite du diable Woland à Moscou, sous l'habit d'un magicien en représentation, l'histoire de Ponce Pilate et du Nazaréen revisitée, l'histoire d'Amour entre un habitant de Moscou, surnommé le Maitre, et Marguerite contrainte de vendre son âme au diable pour sauver son amour. Ce serait une erreur, à mon sens, de vouloir décortiquer ici davantage cette histoire, tant elle est déjà connue des aficionados du livre et s'apparente davantage à une expédition littéraire, artistique, sans but avoué, plutôt qu'à une simple et seule lecture linéaire. Parce qu'on se perd dans un labyrinthe viral, où foisonnent des dizaines de personnages en proie à des intrigues multiples autour du Théâtre de Moscou, au point que je me suis demandé en refermant le livre, si cela s'apparentait encore à de la lecture ou plutôt à une expérience diffractée de la réalité, de l'histoire biblique, des variantes multiples sur la vie, la mort, bref , à une expérience qui nécessairement va au-delà de la lecture et du mythe. On est très loin d'une littérature classique, car en pleine satire intelligente et percutante de la société stalinienne, (mais aussi des sociétés tout court) de ses bureaucrates, de leurs pouvoirs aussitôt obtenus aussitôt évaporés. Il ne faut pas s'acharner à retrouver d'emblée un lien logique même si la cohérence finale va s'imposer. Il faut laisser infuser. C'est la magie et la poésie incroyable du livre, une idée et une pirouette à chaque ligne, un film qui ne cesse de virevolter et parfois de nous angoisser autour de la personne du diable et de ses acolytes, du Chat Noir Béhémoth- incroyable personnage-, apte à s'habiller comme à jouer aux échecs-, de l'intenable Koroviev, et du lourdingue Azarello nasillant sur tous les tons avec ses dents jaunes. Une histoire fantastique et pourtant si actuelle, qui se lira à plusieurs niveaux.
Je tâche de parler de ce livre, différemment, de par mon ressenti, tant je l'ai reçu comme un uppercut, et pour les amateurs de boxe, je n'emploie pas ce mot par hasard, mais bien pour indiquer la direction du coup, du bas du menton vers le haut de la tête au point de vous laisser groggy et chancelant, avec aussi, comme image qui me vient, un effet domino géant comme on peut le voir dans ces gigantesques démonstrations filmées.
Boulgakov fut longtemps en décalage avec la société stalinienne, qu'il détestait de toutes ses forces sans vouloir ou pouvoir, la contester de plein fouet. Sans doute, ses tergiversations ont joué dans la surenchère constante de son livre, dont plusieurs versions furent écrites, (et détruites, même si sa formule célèbre franchit les époques « les Manuscrits ne brûlent pas ») pour finir inachevée avant que son épouse en assure la version finale en 1972. « La lâcheté n'est-elle pas le plus grand crime qui soit » disait-il, pour lui mais aussi pour nous, sentence qui a dû longtemps roder dans l'esprit de Boulkgakov. Ce livre ai-je lu, aurait inspiré Mick Jagger pour l'écriture de « Sympathy for the Devil » lui-même hésitant dans ses influences avec Charles Baudelaire pour revenir en réalité à Boulgakov, jusqu'à en reprendre certaines phrases dans sa chanson culte. Cela donne le ton musical du livre.
Le Maitre et Marguerite fait partie de ces livres dont on ne sort pas indemne, il faut du temps pour s'en remettre, avant de le mettre de côté, pour le réouvrir et le relire, dans quelques mois, quelques années.
Je l'ai reposé à sa place, sur l'étagère de la chambre de mon fils, pour donner de temps à autre un coup d'oeil à la couverture cornée, et aux pages salies par de maintes lectures, et y voir , et revoir ainsi la silhouette inquiétante de Woland, du Chat Noir Béhémoth, de la fragile silhouette de Marguerite.
« Les adieux sont faits » ? Demande Woland à la fin du livre, « les adieux sont faits » répond le Maitre à son tour.
Pour moi, pas tout à fait, je reviendrai.
Impossible à oublier.
Intensément recommandé.
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