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Critique de JeanOtto


Lire un roman jugé unanimement chef d'oeuvre, ça met tout un tas de pression sur mes frêles épaules de lectrice. Si t'aimes pas, c'est toi qu'as pas compris, gros naze. Un type qui a couché métaphoriquement ses misères pendant le stalinisme dur, quand ça torturait et zigouillait à tire larigot, forcément que la résonnance ne doit pas être affreuse.

Mais s'y plonger sans ne rien connaître de l'époque, c'est passer à côté de quelque chose. Heureusement les notes de bas de page permettent quelques éclaircissements. Il faut se figurer, se recontextualiser le climat de terreur du totalitarisme soviétique, la peur panique d'être arrêté pour n'être coupable de rien, où la justice n'en a que l'apparence, grotesque pantomime auquel plus personne ne croit depuis bien longtemps.

Mais ne pensez pas lire un bouquin au sinistre plombant, Boulgakov a décidé d'être drôle quitte à être censuré. Un délectable cynisme traverse l'oeuvre, on s'oriente dans un univers décapant de burlesque qui n'est pas sans rappeler Les âmes mortes de Gogol. Les hommes y sont souvent des pantins mauvais et décevants, ourlés par leur mesquinerie et leur insignifiante concupiscence. Alors quelle réjouissance n'ai-je ressenti par les corrections infligées par notre équipée satanique à tous ces soiffards infatués de leur pouvoir en carton pâte ! Heureusement que ce diable de Woland et ce bon gros chat noir de Béhémoth soufflettent ces gueux à satiété.

Le livre se découpe en plusieurs parties et engage le lecteur à se munir d'une patience certaine. Ça n'est qu'à la moitié du parpaing qu'on entend parler du maître et de sa Marguerite. Gageons qu'une simple et unique lecture est insuffisante si l'on escompte rendre honneur à son auteur. La densité du livre mobilise de la concentration, certes enrégimentée dans du grand-guignolesque, mais non moins exigeante : Boulgarov n'est pas chiche en allusions historiques et culturelles.

Les bifurcations sont nombreuses et nous amènent à excursionner en Judée avec le récit du procurateur Ponce Pilate. La plume se trouve brusquement pénétrée d'une impeccable gravité laquelle contraste fort avec la bouffonnerie du reste du texte situé à Moscou. Déconcertant.
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