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Critique de afriqueah


J'avoue avoir eu peur de la généalogie sur plusieurs générations, en ouverture du roman « Les maquisards » d'Hemley Boum, avec des mentions « géniteur » et « père », peur qui s'est vite évanouie à la lecture.
Parce qu'en fait, ce qui est présenté avec subtilité et intelligence, ce sont les distances prises par les jeunes femmes envers les traditions et les coutumes familiales et/ou sociétales. Officiellement, elles doivent se marier avec l'homme choisi, mais, ou bien leur coeur les a conduites auparavant vers l'amour né de l'amitié, ou bien un viol doit être déguisé en naissance reconnue par le père et non le géniteur ou bien la mère écoeurée par la polygamie, revient ensuite auprès de son mari, avec le bébé d'un autre.
Les amours enfantines d'Esta et d'Amos, les amours adolescentes de Muulé et de Likak, fondent le roman, en nous présentant des femmes fortes, choisissant leur destin, et prêtes à tout pour se défendre. Maitresses femmes bravant les croyances obsolètes, et pourtant toujours en décalage dans leur maternité, comme si même les enfants de l'amour ne les intéressaient absolument pas, et que les problèmes étaient résolus par les grand mères ou qu'elles ne pouvaient se permettre le luxe d'aimer avec emportement l'enfant d'un autre que le mari.
L'enfance africaine déguisée de Gérard le Gall, fils d'un gros porc appelé le porc,si imbu de sa puissance de blanc qu'il ne pense pas nécessaire d'apprendre la langue et n'imagine pas un instant que les phrases tendres dites à son sujet devant lui sont en fait des insultes, fait le contrepoint dans ce Cameroun des années précédant l'Indépendance.
Le père trousse sans vergogne toutes les petites.
Et ne voit pas le bonheur de son fils à jouer en haillons dans la boue, aidé à se rhabiller par tout le village lors de son retour. Là encore la filiation n'est pas synonyme d'accord et de points de vue similaires.
Père et fils seront toujours ennemis.
Le Cameroun n'est pas véritablement une colonie, mais un codominium entre la Grande Bretagne et la France après la défaite de l'Allemagne en 1919, dont le sort est confié à la SDN puis aux Nations Unies.
La France veut justement non seulement en faire sa colonie, mais aussi garder le pouvoir, même après l'Indépendance.
Arrivent alors les maquisards, dans le pays bassa, au Sud du Cameroun proche du littoral, en premier Mpodol, Ruben Um Nyobé, une figure connue, et sans doute le seul historiquement reconnaissable, non violent ; il visite pour exposer la cause les divers endroits du pays, dont lui, à la différence de le Gall, maitrise toutes les langues.
Il rencontre dans le maquis Amos, son meilleur ami, Likak, fille d'Esta et d'un père inexistant, puisque Esta a dû se marier et avoir un enfant … pour être reconnue comme guérisseuse initiée du Ko'ô. Et enfin Muulé, parti en France pour la défendre durant la seconde guerre.
Mpodol, le porte-parole, Amos, Likak paraissent très déterminés dans leur volonté d'obtenir l'Indépendance, en fondant l'UPC, l'Union des populations du Cameroun.
« La lutte armée est sans espoir, nos partisans sont des commerçants, des paysans, des gens ordinaires, pas des guerriers. Quel choix avons-nous ? »
Muulé le dragueur ne semble pas aussi résolu, ses études en ont fait un intellectuel à qui la France promet le pouvoir, dans le but de le transformer et le faire finalement s'allier au pouvoir colonial. Ce sera pourtant lui le martyr des forces militaires françaises.
Parallèlement à cette présentation du pays bassa au moment de l'Indépendance, Hemley Boum tisse la généalogie d'un village dont l'auteur nous livre très attentivement les pensées et le destin, avec un souci du détail, de la psychologie et de la nuance.
La fable De La Fontaine «  le chêne et le roseau » si on la rapporte à la condition des paysans forestiers camerounais des années 50, habitués à la splendeur vitale des arbres, -bien que critiquée par Esta la rebelle- illustre la « force des femmes d'Afrique qui portent le monde sur leur dos » : Nous sommes des chênes, et nous ne ploierons pas.
Ce qui me semble le plus remarquable dans «  les Maquisards », réside dans la nuance des sentiments, des croyances, la tiédeur de l'instinct maternel, et, aussi, puisqu'il est question de révolution, des trahisons toujours possibles.
Rien n'est blanc, rien n'est noir.

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