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Critique de karmax211


Pour une fois, je vais essayer de me limiter à une présentation courte, mais surtout laisser parler l'auteur.
Pour qui ne connaît pas Ivan Bounine, il suffit de dire qu'en dehors d'être un immense écrivain, c'est un homme d'origine russe ayant fui son pays bolchevisé pour s'exiler en France. Il reçoit le prix Nobel de littérature en 1933 (triste année pour le monde... moins triste pour un dénommé Hitler), qu'il meurt en 1953 ( année moins triste pour le monde... fatale à un dénommé Staline).
Prosateur de génie et poète reconnu, on retrouve ces deux aspects caractéristiques de cet écrivain dans ce recueil de nouvelles (d'abord au nombre de 11... puis quelques années après sa première parution, elles sont 38... et je me suis laissé dire que deux autres textes étaient venus s'ajouter aux 38 que je viens d'évoquer), dont le thème ou les deux thèmes indissociables sont la femme et l'amour. Thèmes déclinés sur toute la gamme.
Le recueil a été écrit sur quelques années, mais sans que cela n'en affecte l'unité, la beauté, la force et l'harmonie.
Ces short stories se déroulent majoritairement en Russie ; quelques-unes, très peu, se situent en France ( à Paris et dans le sud de la France où Bounine a vécu), et une en Orient.
Aucune de ces 38 histoires ne m'a ennuyé, ou pire, laissé indifférent.
J'ai été chaque fois happé d'emblée par l'atmosphère, par les personnages et par la beauté de la langue.
Je reviens un instant sur la langue pour souligner à quel point la description de la nature, celle des personnages et "l'intrigue" sont servies par une plume au talent exceptionnel.
Le titre du recueil - Les années noires - nous rappelle qu'il n'y a pas d'amours heureuses... mais qu'à cela ne tienne, on a beau ne pas s'attendre à une happy end, l'intérêt demeure à chaque histoire.
Une superbe expérience que je vous recommande de tenter !
Extraits :
-La nuit était inhabituellement silencieuse, il était déjà tard. Il avait plu un peu sans doute, et dans l'air encore plus tiède et plus doux, en une délicieuse harmonie avec cette douceur immobile et ce silence, résonnait au loin, venus de différents lieux du village le chant long et prudent des premiers coqs. Une lune ronde brillait en face de la rotonde, au fond du parc comme figée sur place dans une attente curieuse ; elle scintillait au loin dans les arbres et parmi les branches touffues des pommiers, plus près, mêlant sa lumière à leurs ombres. Elle ruisselait en un miroitement clair, alors que l'ombre restait chatoyante et secrète...

-Je l'avais aperçue un matin dans la cour de cet hôtel, de cette vieille demeure hollandaise parmi les forêts de cocotiers au bord de l'océan, où je vivais ces jours-là. Puis je l'y vis tous les matins, étendue dans un fauteuil d'osier, à l'ombre chaude et transparente qui tombait de la maison, à deux pas de la véranda. Un Malais, grand, au visage jaune douloureusement fendu de petits yeux, la servait en pantalons et jaquette de grosse toile blanche, faisant crisser le gravier sous ses pieds nus et, sur un tabouret, à côté de son fauteuil, il déposait un plateau où était une tasse remplie d'un thé doré ; il lui parlait avec respect, les lèvres immobiles, ramassées sur le trou rond de sa bouche, s'inclinait et s'éloignait. Elle agitait avec lenteur un éventail tressé et restait étendue à faire battre, frémissement régulier, le velours noir de ses cils ineffables...À quelle sorte de créatures terrestres pouvait-elle bien appartenir ?
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