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Critique de dido600


Nina Bouraoui fait partie de cette nouvelle génération d'écrivains qui se soucient peu de la ponctuation. Peu de virgules, elles sont remplacées par des points. La lecture est cassée. Pour comprendre, un tour dans ses autres romans s'impose. L'âge blessé, est une ponctuation. Ce n'est qu'en faisant le rapprochement entre la Nina de L'âge blessé et la Nina du Garçon manqué que tout s'éclaircit. Ce qui nous semblait au premier abord comme une entrave aux règles de l'écrit devient, en fait, un rythme que l'auteur prémédite. Et pour cause, Nina va loin dans son amnésie infantile pour tirer les bribes de ce qui longtemps la marquera.
Fille d'une Française et d'un Algérien, Nina en plus d'être confrontée à cette double identité veut être un homme. Nina c'est d'abord Yasmina. Trop féminin, trop arabe. Nina est un nom qui l'arrange, parce qu'il est neutre.
L'Histoire de Nina, le garçon manqué, cheveux courts, la fille de la Roumia, commence sur les plages et les rochers de Zéralda en compagnie de Amine, mystérieux personnage, un allié dont la fille envie l'apparence d'homme.
Le soleil, la chaleur d'Alger imprègnent Nina. La mer la façonne. Nina se nourrit des regards des autres, ceux qui voient en elle la fille de la Française.
Nina n'est pas la fille d'Alger, elle n'est pas la constituante d'une société. Bien qu'elle s'alimente de cette essence tropicale, elle reste cachée derrière sa mère, plus robuste, protégée dans une villa sur les hauteurs d'Alger. Nina est peut-être sensible, mais elle perçoit mal l'Algérie ; c'est une enfant surprotégée, étrangère. L'intérêt de l'oeuvre, on le retrouve plus loin, lorsque Nina part en France où une autre partie d'elle l'attend. Celle-ci est plus fournie, plus riche. Accueillie dans une famille attentionnée, elle visite le passé de sa mère, ses études, sa rencontre avec ce brillant étudiant en économie, le Français musulman qui deviendra plus tard son père. Enrobée dans un amour familial, elle n'arrive cependant pas à se détacher d'une Algérie sauvage, seule image que cette enfant qui ne maîtrise pas l'arabe peut en garder.
En France, elle est beur. «Beur, c'est ludique. Ça rabaisse bien aussi». Elle est alors confrontée à cette sourde haine du basané, une peur de l'étranger. Elle fait partie de «cette génération ni vraiment française ni vraiment algérienne. Ce peuple errant. Ces nomades. Ces enfants fantômes. Ces prisonniers. Qui portent la mémoire comme un feu. Qui portent l'histoire comme une pierre».
Nina est blessée quand une vieille femme apostrophe son père: «Il y a trop d'Arabes en France». Nina est blessée jusqu'au silence car elle a trouvé mieux pour faire entendre sa colère. «Je l'écrirai. C'est mieux, ça, la haine de l'autre écrite et révélée dans un livre. J'écris. Et quelqu'un se reconnaîtra. Se trouvera minable. Restera sans voix. Se noiera dans le silence. Terrassé par la douleur.»
En France, on doit être propre et bien soigné, mais on ne peut pas changer de couleur de peau. Pour les vacances d'été, Nina et sa soeur Jami sont prises dans le tourbillon des retrouvailles familiales qui les emportent sur une plage en France parmi des cousins et des cousines qui n'ont pas forcément la même couleur de peau. Ils ont l'air rachitique et semblent malades. le soleil n'est pas le même que celui en Algérie. La plage n'a pas le même sens.
Insidieusement, Nina se transforme, même si elle ne le révèle pas dans son livre. Elle parle français, pense et rêve en français. La France l'accapare, mais l'Algérie demeure en elle. «Je ne sais pas si je suis, ici, chez moi en France. Je ne le saurai jamais. Je ne sais pas si je suis chez moi en Algérie. Je ne le vérifierai jamais.»
Ce qui était une certitude devient doute. Un premier passage est fait. Ne reste plus que cette épineuse identité sexuelle que Nina réglera lors d'un voyage à Tivoli, en Italie. Pour cet épisode, Nina se contentera de quatre pages évasives. Une lettre pour Amine vient clore le tout. Son modèle d'hier ne sera plus qu'une image
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