AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de hcdahlem


A fluctibus opes

Après le succès phénoménal de En attendant Bojangles, on attendait Olivier Bourdeaut. En changeant totalement d‘univers, il gagne le pari du second roman.

Une histoire d'hommes. Tel pourrait être le résumé le plus succinct du second roman d'Olivier Bourdeaut. Il a choisi l'univers très particulier des marais salants et le caractère bien trempé d'un paludier pour digérer le succès de En attendant Bojangles, son demi-million d'exemplaires, ses trente traductions et son adaptation en Bd et au théâtre. Un choix judicieux à mon sens, car il est difficile de comparer les deux romans. On est ici beaucoup plus proche des comédies cinématographiques comme L'Emmerdeur ou Les compères qui ont prouvé combien l'idée de faire se rencontrer deux personnes venant d'horizons totalement différents pouvant être judicieuse.
Voici donc Jean occupé à récolter le sel de ses marais dans un cadre somptueux, entre Batz-sur-mer et le Croisic, au bord de la presqu'île de Guérande. Nous sommes au mois d'août, au moment le plus crucial, celui qui décide si une année a été bonne ou non. Mais cette fois, les éléments semblent favorables, comme il l'explique lui-même : « ça fonctionne avec du vent comme pour les bateaux, du soleil comme pour les vignes, des efforts comme avec les femmes, de la patience comme avec les enfants et de la chance comme pour la vie... C'est une bonne saison cette année, nous avons de la chance. »
Cela dit, la fleur de sel se mérite et il ne faut pas ménager sa peine pour trouver l'or blanc. Alors quand au petit matin, il découvre une porsche sur sa palude, un ivrogne endormi sur une bâche après avoir uriné sur la pyramide de sel, son sang ne fait qu'un tour. Il s'empare de sa pelle et s'en va régler son compte à cet homme. «Le tranchant d'acier s'arrêta net à cinq centimètres de la carrosserie. Non, finalement. Son inconscient avait décidé pour lui qu'il ne méritait ni la prison, ni de verser des dommages et intérêts faramineux pour cet homme. L'inconnu dormait toujours, indifférent au procès fulgurant qui venait de le condamner à la décapitation.» Il choisit de le recouvrir d'une bâche et de la laisser mariner dans son jus.
À son réveil Michel ne comprend pas ce qu'il fait là, quel est l'importance de son forfait, mais il sent bien qu'il a failli mourir. Aux invectives de l'un répond l'incompréhension de l'autre. Et avant que les choses ne s'enveniment davantage, il lui faut promettre de dégager son bolide avant la fin du jour.
Après quelques opérations immobilières fructueuses à Nantes, Michel entend conquérir Paris et se constituer un joli magot. Pour l'heure, il passe ses vacances dans un palace et noie sa solitude dans l‘alcool. Au fil du récit, on va comprendre que Jean a suivi l'itinéraire inverse, a quitté Paris pour retrouver de vraies valeurs et une activité qui l'épanouit même si elle lui permet tout juste de joindre les deux bouts. Sans doute n'imaginait-il pas qu'il serait appelé à changer de locution latine. Après avoir fait sien A fluctibus opes (La richesse vient de la mer), il trouvera au bout de quelques rebondissements le sens de Amicitia pactum salis (l'amitié est un pacte de sel). Car Michel va devenir l'employé saisonnier de Jean.
Pour poursuivre la métaphore cinématographique – on imagine du reste fort bien la belle adaptation possible de ce roman – on ajoutera deux rôles secondaires : celui d'un certain Henri, inventeur et seul représentant du «Dédé» le débauché de droite. Il est en quelque sorte le grand frère ou le père spirituel de Jean. «Leur état civil affichait seize ans d'écart, mais le gouffre qui les séparait se mesurait en siècles. La passerelle était jetée, l'histoire pouvait commencer.»
L'adjudant Jules Kédic connaîtra lui aussi son heure de gloire. Jusque là spécialisé dans l'élucidation des vols de bicyclettes, il va se retrouver brutalement face à un cadavre à moitié enfoui dans le marais salant.
Habile réflexion sur le sens de la vie, sur le rôle du statut social, sur la solitude du célibataire au mois d'août, Pactum Salis est aussi une très agréable plongée dans les tréfonds de l'âme humaine où un pacte peut très vite être remplacé par un autre. N'en déplaise aux critiques qui font la fine bouche, dans doute plus par mode et plus pour se mettre eux-mêmes en avant que par honnêteté intellectuelle, ce second roman est également très réussi.

Lien : https://collectiondelivres.w..
Commenter  J’apprécie          342



Ont apprécié cette critique (25)voir plus




{* *}