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Critique de Helena06


On est ici en 1969 dans une sorte de roman d'apprentissage. Celui d'un jeune homme plus si jeune, 30 ans, mais immature affectivement suite à traumatisme et manque de regard parental sur lui, manque de société humaine aussi.
Le voici depuis quelque temps seul maître et habitant d'un château médiéval et du riche domaine agricole autour (blé, maïs, vergers, cépages vin de Cahors, Armagnac...) hérité de ses parents. Riche domaine en puissance seulement car tombé à l'abandon après d'assez lontaines décennies glorieuses. le jeune homme, plus intellectuel que manuel, mais misanthrope et dépressif, n'aime que son chien, son cheval et la chasse sanglante sur ses terres. Il se repaît avec brutalité des faveurs pourtant tendres d'une jeune bourgeoise mariée.
La remise en valeur du domaine lui paraît inconcevable, il n'en a pas envie.
Là où plus tard les nombreuses héroïnes de Françoise Bourdin se remonteront courageusement les manches et tiendront les comptes, le jeune Cyril a laissé les choses aller à vau-l'eau , il renonce d'emblée. Moins par paresse je pense que par blocage vis-à-vis du souvenir de feu son grand-père et de feue sa mère, qui ont été trop peu attentifs à lui car trop accaparés par le travail du domaine. Ce travail repousse Cyril autant que cet incompréhensible Cyril repousse les habitants du village en contrebas du château.
Ainsi, bien que son avenir au Peyrou soit encore ouvert, le beau Cyril choisit la fuite. On suit Cyril dans ses relations souvent conflictuelles et hautaines avec son demi-ami le maire, avec sa maîtresse, mais aussi avec ses "amis" joueurs de cartes, avec le curé, avec l'acquéreur, avec la femme de ménage, avec les paysans. On le suit aussi dans ses souvenirs des dialogues douloureux avec sa mère, paysanne d'origine, qui veuve s'est ruiné la santé à tenir seule le domaine à bout de bras sans que son fils ne bouge le petit doigt pour finalement s'en aller mourir prématurément aupèrs de sa soeur qu'elle avait rejointe. Son fils ne l'avait pas retenue. Ces deux-là se sont des sensibles qui se sont si mal aimés.
Tout cela peut paraître banal dit comme ça mais le roman est incroyablement romanesque et enchanteur. A cause du cadre bien sûr, à cause du caractère solitaire de ce beau au bois dormant, yeux bleus sous mèches blondes, pull en cashmere et pantalons de velours... le récit est très étoffé tout en restant très clair, les personnages ont chair et épaisseur psychologique. Cela pourrait faire penser à une bluette si ne s'y entremêlaient avec beaucoup de fluidité et de pertinence les éléments agronomiques nécessaires à la compréhension. France Culture en une heure ne nous en apprendrait pas davantage sur les mutations économiques dans le monde viticole au XXe siècle.
Je trouve d'autant plus incroyable qu'on doive cette richesse alerte de récit et d'écriture à une jeune femme d'à peine 22 ans ! Je ne mets pas 5/5 pour trois invraisemblances : à un moment j'aurais apprécié de comprendre ce qu'à cinq ans Cyril faisait aux alentours d'Oradour-sur-Glane, assez proche pour avoir été témoin de la tragédie, assez loin pour ne pas avoir été vu et emmené par les Allemands. D'autant qu'Oradour et Saint-Cirq-Lapopie sont éloignés de plus de 200 km ! J'aurais aussi aimé en savoir davantage sur l'histoire féodale, même imaginaire, de ce château, ainsi que sur les origines de la famille de Cyril (des bourgeois ?) ayant acheté le château au XIXe. Au moins un peu, d'autant que les notions de transmission générationnelle et de patrimoine traversent tout ce livre qui par ailleurs parvient à rester intemporel.
Il s'agit d'un roman délicieux, mais pas si facile, d'une maturité d'écriture globalement stupéfiante.

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