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Critique de fanfanouche24


En flânant à la Librairie du Musée Branly- 18 mai 2023


Immense émotion que cette lecture imprévue !

"La poésie c'est quand un mot en rencontre un autre pour la première fois "

Comme un très grand nombre de personnes, j'ai une admiration et enthousiasme sans faille pour Nicolas Bouvier, tant pour son parcours singulier que pour la qualité de ses écrits....

J'avais été particulièrement happée, enchantée, captivée par son ouvrage , "Routes et déroutes".

Toutefois , je ne me souvenais pas de sa passion pour la poésie, même si il n'a publié que ce recueil paru la première fois en 1982, qui fut complété à quatre reprises et avec autant de rééditions....

Poèmes écrits entre 1953 (le départ en voyage avec son ami Thierry Vernet) et 1997 ( quatre mois avant sa mort)

Découverte totale... qui à la fois, m'éblouit et m'interroge... de par le grand nombre de poésies magnifiques mais fort sombres....A la fois flamboyance et noirceur du "voyageur fatigué", dans sa quête existentielle et dans ses observations du monde ainsi que le constat des souffrances des "peuples" rencontrés....des difficultés du quotidien, de la survie, parfois !

"Le Dedans ... le Dehors".... on saisit cette dualité . le Dehors: les poèmes inspirés par tous ses voyages... Et "Le Dedans", les poèmes d'amour ou des textes plus intimistes...plus tournés vers ses propres questionnements, quêtes ou tristesses, mélancolie, et toujours le dur métier de vivre !!...

Très heureuse d'avoir déniché ce recueil que je trouve, à tous égards, bouleversant ....

J'achève ce billet par un des poèmes que je préfère... plus lumineux...Un moment magique de musique qui réunit des inconnus dans un même moment de communion...

"Perdido street

Premiers froids
A l'angle de la 72nd et de Colombus avenue
Il joue du saxophone et bat ses semelles décollées
en suivant le rythme
Cheveux noirs, barbe blanche , sans âge
Le son est aussi beau qu'un velours très ancien
répercuté par la cage de ces maisons
de briques rouges

Les ménagères posent leurs filets pleins de maïs
ou de patates douces et écoutent
L'une se signe, une autre a les larmes qui perlent
Un livreur s'arrête, pose son vélo contre un acacia
et se met, les yeux fermés, à onduler
comme un cobra
J'ai retrouvé l'air qu'il joue : "Perdido street blues"
Le chapeau bosselé et crasseux qu'il a posé
devant lui se remplit de dollars
America ...!

Quand le vent lui chipe un billet, il pose
le pied dessus sans cesser de jouer
Les boutiquiers coréens , vietnamiens, portoricains
sont tous sur leur seuil pour ne rien perdre
de ce miracle
et se mettent à tortiller du cul
Ma jeunesse m'est revenue comme une gifle
Ma tête était devenue une ruche d'abeilles dorées
Suis resté là, longtemps, avec cette musique
qui emportait mon temps perdu
comme billes de bois flotté

New York, 1992 "
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