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Critique de le_chartreux


Je remercie BABELIO ainsi que les éditions Tabou Editions pour le livre « SHIBARI bases et suspensions » envoyé dans le cadre de l'opération Masse Critique.
Cela m'a permis de découvrir une pratique très étonnante pour ceux qui ne la pratiquent pas, et pour ceux qui s'y adonnent, un procédé singulièrement… attachant ; le shibari est une spécialité érotique nippone consistant à ligoter étroitement son partenaire – bien évidemment consentant – avec art et raffinement.
Les techniques d'utilisation de liens ou de cordelettes sont apparentées aux pratiques BDSM (acronyme de bondage, discipline, domination, soumission et sadomasochisme) et elles prennent leur source dans les siècles et les millénaires écoulés – ce qui remonte pratiquement à l'origine des âges farouches puisqu'il s'agissait de techniques guerrières permettant de s'assurer que les prisonniers capturés ne s'enfuient sous aucun prétexte...
Le résultat de ces entremêlements complexes de cordes devait tout d'abord empêcher que le captif ne s'évade (premier précepte) ; il ne devait pas non plus causer de séquelles physiques ou mentales (mais on peut émette un doute quant au réel taux de réussite ; un prisonnier ligoté passe toujours un mauvais quart d'heure) ; il devait être suffisamment complexe pour que les techniques utilisées ne soient pas copiées et reproduites aisément, et faire en sorte que le résultat soit… esthétique ; pour cela, on peut faire confiance à l'imagination et au degré de raffinement de l'âme japonaise !

Dans le cadre du shibari, il nous reste aujourd'hui le côté esthétique bien sûr mais surtout la très forte connotation d'emprise psychologique puisque cela implique qu'il y ait un dominant (celui ou celle qui attache) et un dominé (la personne entravée). Cette pratique est donc entièrement basée sur une adhésion commune, une pratique parfaitement consentie et régie obligatoirement par l'application de certaines règles rappelées en préambule du livre.
Ce petit documentaire au format pratique reprend les fondamentaux des techniques présentées dans un ouvrage beaucoup plus complet et de plus grand format écrit par le même auteur : Shibari, l'atelier de cordes – 208 pages TABOU EDITIONS (2014).
Notre présent « manuel des castors juniors » commence par un avertissement rappelant les risques physiques et psychologiques encourus, puis il reprend les origines de la pratique, enchaîne par une préface plutôt intéressante avant de présenter le matériel (essentiellement des cordes). Les explications sont claires et les exemples – une vingtaine de positions au sol et suspensions – sont parfaitement compréhensibles.

J'aime bien :
- la découverte de cette thématique vraiment hors des sentiers battus et dont j'ignorais tout
- les dessins de David Ducarteron (en page 10) et de Xavier Duvet (en page 12), ce dernier étant extrait de l'album « Les maîtresses – Leçons de prédatrices ». Mais davantage de dessins ou d'oeuvres graphiques aurait été appréciable
- les textes simples et efficaces

Ce que je regrette :
- les photos de qualité moyenne (qualité suffisante, mais artistiquement peu satisfaisant)
- les fonds blancs (qui accentuent la pâleur du modèle)
- l'absence de décors
- le traitement photo (qui ne met pas en valeur la peau très claire du modèle)
- l'usage de perruques rouges ou noires qui donne un ton me semblant inapproprié
- et le fait qu'il n'y ait pas différents mannequins, ou quelques modèles masculins afin de ne pas tomber dans quelque chose de trop genré

J'aurais apprécié des modèles aux formes plus rondes ou plus voluptueuses et davantage de chaleur dans le traitement des images. Mais quant à ce dernier point, l'auteur a sans doute préféré faire ressortir à la façon d'Egon Schiele le teint pâle de son modèle et l'usage de couleurs intenses et peu réalistes (la peau blanche, les perruques rouge vif et noir de jais).
Quant à la totale absence de décor (les corps sont découpés sur un fond blanc immaculé), cela ajoute à la froideur et apporte une touche pratiquement expressionniste, ce qui paradoxalement me déplait. L'ensemble frappe certainement par cette forte intensité graphique et des contrastes saisissants.
De même, en accentuant la déformation caractéristique du corps immobilisé par le bondage, cela fait ressentir la souffrance (physique et psychologique) mêlée à l'anxiété ; les membres de la jeune femme forment des angles peu coutumiers, voire apparaissent désarticulés et contraints. Ce qui choque le regard dans un premier temps le ravit aussi, attisant notre côté voyeur, ou déviant.
Et en ce qui concerne les suspensions, elle semble flotter dans le vide (le modèle ne touche plus terre ; elle perd littéralement tout contact avec le sol, donc renonce entièrement à sa liberté d'action).
Le tout conduit à nous faire entrer dans un univers plus philosophique ; la pratique tend à incarner l'angoisse existentielle, la solitude et la souffrance. le modèle (elle s'appelle O.) apparait comme étant la victime mais aussi un objet de culte et les cordes qui l'enserrent sont une façon très symbolique d'exprimer le désir, certes cruel, mais aussi la passion. Les cordes torturent les corps autant qu'elles le magnifient.

La lecture et l'écriture de la critique se sont révélées peu aisées. J'ai essayé de vous rapporter mes impressions de la façon la plus honnête possible, en essayant de n'y mettre ni jugement ni prise de position tranchée. J'espère ainsi ne pas déplaire à l'auteur en n'exprimant pas totalement mon adhésion à ce projet.
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