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Critique de Colchik


La construction de l'ouvrage est un peu boiteuse. le premier récit se situe en 1936, à Los Angeles et narre la rencontre entre une architecte, Kay Fischer, et un homme qui se présente à elle comme son père. Assez étrangement, la jeune femme accepte peu à peu la présence de Salvador Carriscant alors qu'il ne lui donne aucune explication sur sa paternité. Elle accepte même de s'embarquer avec lui pour Lisbonne contre la promesse de certaines explications. On ne comprend pas très bien pourquoi elle n'essaie pas de s'informer auprès de sa mère à qui, d'ailleurs, elle montre l'étranger qui la poursuit sans que cela déclenche la moindre réaction chez cette dernière.
le second récit est constitué par la confession de Salvador Carriscant. L'action se situe à Manille, au tout début du 20e siècle, quand les États-Unis viennent de prendre le contrôle des Philippines. Carriscant est un chirurgien réputé, un métis né d'un père anglais et d'une mère d'origine espagnole, très bien introduit dans les milieux aisés de la capitale et dont la mariage avec Annaliese, la fille d'un marchand allemand de tabac, bat de l'aile. Il rencontre une jeune Américaine, Delphine Sieverance, mariée à un officier américain. Fou amoureux de la jeune femme, il trouve enfin l'occasion de se rapprocher d'elle lorsqu'elle doit être opérée d'une appendicite. le couple d'amants décide de monter un stratagème rocambolesque pour échapper à leurs conjoints respectifs et retrouver leur liberté.
La dernière partie se déroule à Lisbonne où Carriscant espère retrouver la trace de la femme qu'il a aimée et perdue quand il a été arrêté pour le meurtre de son mari.
Il ne faut pas chercher dans cette histoire cousue de fil blanc une grande vraisemblance dans les actions des personnages. Pourquoi ce père recherche-t-il sa fille sur un continent éloigné (l'Amérique), pour l'aider à retrouver son amour d'autrefois qui se trouve sur un autre continent (l'Europe) alors qu'il a une famille sur un île lointaine du Pacifique ? La stratégie mise au point par Carriscant pour s'échapper avec sa maîtresse est d'une complication telle qu'on se demande comment elle peut fonctionner: on se demande comment la mise en scène de sa mort ne suscite aucune question et que personne ne cherche à voir son cadavre. Arrêté pour un crime dont il est innocent, Carriscant est condamné pour complicité dans des meurtres mystérieux sans qu'aucune preuve tangible ne puisse être apportée. Quand il revoit trente ans plus tard le policier qui l'a accusé, ils tombent dans les bras l'un de l'autre. L'auteur semble tellement découragé par l'histoire emberlificotée qu'il a montée qu'il ne répond pas aux questions qu'elle soulève.
Pourtant, ce livre possède un certain charme par le climat d'étrangeté qui se dégage du récit de Carriscant. le Manille que l'auteur évoque est plein de moiteur tropicale, de végétation luxuriante, de promenades en victoria, d'atmosphères troubles... le savoir-faire du chirurgien, son souci de l'hygiène sont confrontés aux méthodes de boucher de son confrère Cruz et à l'incompétence du médecin militaire Ward. Les détails sur les pratiques médicales à une époque où la prophylaxie était à ses débuts montrent le soin que William Boyd, fils d'un médecin, apporte à l'exactitude de ses descriptions. Mais le côté médical se greffe aussi sur le récit comme un élément supplémentaire du suspense puisque la dextérité de Carriscant est ce qui lui permet d'entrer en contact avec Delphine, de mener à bien leur plan d'évasion, et est finalement ce qui causera aussi sa perte. La touche si particulière de Boyd se révèle encore dans l'Aéromobile de Pantaleon, l'anesthésiste fou d'aviation, puisque que l'on sent le plaisir qu'a l'auteur à nous embarquer dans les rêves fous des précurseurs à l'aube des grands changements technologiques.
En découvrant le personnage de Delphine, je n'ai pu m'empêcher de penser à la sculpturale Liesl de Comme neige au soleil. Même peau blanche semée de taches de rousseur, même stature imposante et formes généreuses, deux femmes effarées par la vanité et le manque d'intelligence de leur époux. Par contre, Kay Fischer reste à l'état d'ébauche et de faire-valoir de son fabuleux géniteur.
Voici donc un roman qui ne comptera pas parmi les meilleurs de l'auteur, mais dont le coeur possède le charme indéniable des histoires d'amour avortées dont l'écrivain s'est fait une spécialité.
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