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Critique de afriqueah



Morgan, le héros de « Un anglais sous les tropiques » se doute des très probables infidélités de sa maitresse africaine : blennorragie, ce qui l'empêche d'assurer auprès de la fille qu'il aurait dû séduire pour avancer sa carrière. Il apprend que celle ci, ne pouvant que le prendre pour un impuissant, un garçon de bains vantard, un faux étalon fanfaron, se fiance avec son subordonné. Il subit le chantage d'un homme politique véreux, à contre courant des ordres que lui donne son chef, ordres impossibles à exécuter et contradictions diverses.

Alors, pour chasser ses idées noires, il prend un livre au hasard : « le pire est pour demain » !

Voici un bon début dans l'anthologie de ses désastres personnels, dont il nous confie les conséquences dans la première partie, et les causes dans la deuxième.
Il a donc tout raté, ce Morgan, il en profite pour relever le comique innocent de certains africains, l'un exhibant les prodigieuses lacunes de sa denture, les autres à l'aéroport, endimanchés, le mari porte une robe jaune et pourpre, la femme est en dentelle argent et les deux enfants en pyjama écarlate.


Hilarant, avec des trouvailles à chaque page, des remarques sur un pays imaginaire de l'Afrique de l'Ouest, William Boyd, né au Ghana, fait d'abord l'inventaire de la vie grouillante d'une petite ville, où se côtoient grand mères ratatinées aux seins flasques et chérubins aux ventres rebondis, avec poules, chiens et chèvres explorant les tas d'ordures. Sans compter les mendiants lépreux, aux moignons rongés, « d'agiles rabatteurs de parking escortant des vendeuses aux grosses fesses , des gamins proposant stylos billes, peignes, chiffons à poussière, oranges, porte-manteaux, lunettes de soleil et montres russes », et puis des vaches, et parfois des fous laissés libres ,maudissant les voitures des carrefours.

Cafards, moustiques et autres bestioles , chaleur tropicale :on y est, c'est l'Afrique.


Et puis, les expatriés ?

« Il y a les piliers de bar, les emmerdeurs, les feignants et les coureurs. Cocufiants et cocufiés se côtoyaient autour des tables de billard, les épouses désoeuvrées jouaient au bridge ou au tennis, se doraient autour de la piscine, abandonnant leurs enfants aux nurses, les corvées ménagères aux domestiques et les maris à leurs bureaux où ils gagnaient à longueur de journée de confortables salaires. Elles papotaient et médisaient, rêvaient à des amours illégitimes, parfois s'y adonnaient. »
Et bien sûr les carriéristes, les profiteurs, les alcooliques. (d'expérience l'eau au delà d'un niveau de touffeur ne comble pas la soif, mais les gin tonic, si. Comprendre un gin tonic. )


Pour ceux qui ont vécu en Afrique : On a tous connu des expatriés racontant leur « carrière brillante » ( dans le livre, en Orient) ou ayant laissé en métropole haras et château, pour se retrouver dans ce qu'ils considèrent un trou de deuxième zone. On a tous entendu de simples méchancetés ( Morgan appelle la femme des son chef la Grande Garce ou la Grande Pouffiasse.) ragots et calomnies sur les autres expatriés, puisque, les places étant chères, il fallait écraser les autres comme des cafards.


On a tous ri aussi devant l'innocence et le mépris des apparences de certains africains, devant certaines scènes ubuesques, par exemple les enfants africains scandent tous à son passage « oyimbo, oyimbo, le blanc, »en l'escortant : Morgan se demande s'il leur arrive parfois de ne pas remarquer la chose. La buvette portant l'inscription : Sissy ‘s tout va bien bien buvothèque »


Les deux mondes ne se croisent pas, n'habitent pas les mêmes quartiers, ne se mélangent pas, sauf les employés logés près de la résidence du haut commissaire.

Derrière la truculence, William Boyd décrit la puissance des croyances animistes, et aussi l'importance du fric pour en sortir, la corruption des élites africaines, et aussi les intérêts de l'ex colonie ( pétrole, richesses diverses, monopole qui se négocie ).

Il s'agit du Haut-Commissariat anglais, dix après l'Indépendance du pays, et sans doute toujours appartenant au Commonwealth, car pour compliquer les choses, une visite officielle d'une cousine de la Reine d'Angleterre est annoncée pour Noel, au moment des élections.

Et comme le rire se couple souvent sur des réalités plus sombres, ces élections sont manipulées par le Foreign office, qui désigne le futur gouverneur local, le corrompt , et s'assure qu'il est bien prêt à vendre son pays pour ses intérêts privés.

Pari réussi, l'impérialisme ou neo colonialisme court toujours.
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