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Critique de thedoc


Odran Yates a eu la vocation à 16 ans. C'est du moins ce que lui a dit un jour sa mère et il n'en a pas douté. A 17 ans, il rentre donc au séminaire de Clonliffe College pour devenir prêtre et il le restera toute sa vie, tentant d'accomplir son devoir envers Dieu et les hommes du mieux qu'il le peut. Lorsqu'Odran débute sa prêtrise en Irlande, nous sommes dans les années 1970. Dans ce pays profondément catholique, les prêtres sont respectés, écoutés et craints. Si ces derniers n'ont pas tous la même foi qu'Odran, tous ont l'envie d'oeuvrer à un monde meilleur. du moins le croit-il... Au fil des années, les scandales de pédophilie se dévoilent au grand jour et les choses s'inversent. Odran doit affronter un nouveau monde où l'Église irlandaise est remise en question, voire conspuée et accusée. Les convictions du prêtre sont remises en question sur ce en quoi il croyait, sur un système, sur des hommes, sur lui-même.

« Il n'est pire aveugle… que celui qui ne veut pas voir ». Cette citation tirée de la Bible fait référence à la phrase prononcée par Jésus pour qualifier les hommes et femmes refusant de l'accepter comme étant le fils de Dieu, malgré les miracles qu'il aurait produits devant eux. Bien loin d'événements miraculeux, John Boyne détourne ici ce passage pour parler de l'aveuglement du personnage principal, Odran Yates, face aux crimes pédophiles – bien réels ceux-là - perpétrés par son meilleur ami, prêtre comme lui. Et très certainement de son propre aveuglement face à ce qu'il savait depuis longtemps.
L'excellent écrivain irlandais qui m'avait déjà séduite avec son roman «Les fureurs invisibles du coeur », revient donc ici avec un sujet déjà abordé dans ce dernier roman : le pouvoir de l'Eglise catholique en Irlande et ses effets néfastes. le thème y est cette fois-ci central puisqu'à la suite d'Odran Yates, nous plongeons totalement dans le milieu de la prêtrise catholique. Des premières années de séminaire aux différentes missions paroissiales en passant par les arcanes du pouvoir du simple évêché jusqu'au palais épiscopal, l'auteur nous décrit un monde fermé, secret et sans scrupule, à tous les niveaux. de la misogynie à la pédophilie, les hommes de Dieu feraient pâlir le pire des criminels dans leur volonté absolue de nier, de cacher et de s'absoudre.
Mais les temps changent, heureusement, et la honte n'est plus du côté des victimes.
Poids du silence, complicité et culpabilité sont au coeur de ce roman qui nous dessine une société irlandaise en prise avec ses démons, un pouvoir religieux qui s'effondre, des victimes par milliers qui crient leur haine de l'Église, des hommes sincèrement pieux qui sont perdus et d'autres qui n'auraient jamais dû devenir prêtres. Ce système archaïque où la femme est pécheresse et où la chair n'est que souillure est-il la cause de tous ces crimes abominables ?
John Boyne a un talent fou pour nous décrire des personnages et leurs tourments. Les suivre est un vrai plaisir de lecture et nous entrons de plain pied dans leur histoire. Si ce n'est les chapitres qui mélangent la chronologie – ce qui m'a quelque fois gênée, ce roman est une pure réussite, comme le précédent. L'auteur use de finesse pour aborder un sujet ô combien douloureux, tout en dépeignant à la fois le traumatisme des victimes et la complicité par le silence de son personnage principal qui n'ose ouvrir les yeux.
Un roman entêtant qui nous laisse un arrière-goût nauséabond et une confiance à jamais détruite tant que rien ne changera.
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