Il y a bien longtemps, quand je n'étais encore qu'un lecteur jeune et naïf, je suis tombé par hasard sur ce bouquin, et le fait est qu'il m'a marqué. Je n'avais jamais rien lu d'aussi glauque, et je ne suis pas sûr d'avoir rencontré pire depuis. Même
Amélie Nothomb m'a paru presque saine en comparaison.
Les sujets sont assez variables et parfois assez noirs, mais ce qui est fort c'est qu'ils n'y contribuent pas tant… Que l'écriture de
Ray Bradbury ! Sa capacité à dresser une ambiance pointue, minutieuse, prenante et avalant le lecteur comme des sables mouvants. On connait le totalitarisme de « Fahrentheit 451 », l'onirisme des «
Chroniques martiennes », et ici… On a l'impression de pénétrer dans un brouillard sale et poisseux, qui colle à la peau, étouffe et dont on ne peut s'arracher. On y croise des condensés de misère humaine et de laideur.
Bizarrement, il n'y a que quand elles touchent au monde des vampires que ces
nouvelles prennent une certaine douceur. Comme s'ils lui inspiraient une sympathie diffuse et mal assumée. L'une d'elle, où il est question d'un enfant différend de ses frères et soeurs à longs crocs, se termine même sur une note d'une étonnante beauté – émouvante même. La fleur au milieu du marécage putride…
Une expérience littéraire à faire, mais pas un jour de déprime. Et quand à le noter, j'en serais bien en peine...