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Critique de delpla


UN LIVRE CHARNIÈRE,
UNE PORTE À OUVRIR EN GRAND AVANT QU'ON LA REFERME

Rares sont les livres d'histoire dont l'index mentionne les historiens qui ont écrit sur leur sujet. La majorité n'indexent que les acteurs de l'histoire.
Celui-ci gratifie votre serviteur, en son index, de 12 mentions, record battu et de loin.
Sont évoqués sept de mes ouvrages : Les Papiers Doumenc, La ruse nazie, Hitler, La face cachée de 1940, Hitler et les femmes, Churchill et Hitler et l'édition des Propos dits de table. En outre, l'auteur fait grand cas du livre de David Gardner sur William Patrick Hitler, le neveu, que j'ai traduit et annoté en 2006 et qui donne à penser qu'Hitler a quitté l'Autriche pour l'Angleterre pendant une demi-année, à cheval sur 1912 et 1913.
Ne sont cités en revanche ni Churchill et les Français (comportant mes considérations les plus détaillées sur la crise du cabinet anglais fin mai 1940, au coeur de l'ouvrage de Branca), ni L'appel du 18 juin (remis à l'honneur par le dossier du Monde, le 19 janvier dernier), ni mon Histoire du Troisième Reich, ni le livre sur le 30 janvier 1933, ni mes ouvrages sur Vichy, ni le Bormann de 2020, dernier état de ma contestation du caractère "polycratique" prêté à tort au gouvernement nazi. Nul reproche ici : je ne signale ces omissions que pour suggérer des prolongements.
Outre une mise en lumière, enfin, par une grande maison d'édition ne lésinant pas sur les moyens de promotion, de la terrible solitude de Churchill dans son option pour la continuation de la guerre, l'ouvrage brise un autre tabou : la volonté d'Hitler d'écraser la France et le rôle, dans la défaite de celle-ci, de la méconnaissance par ses dirigeants de cette haine, pourtant exprimée dans Mein Kampf en termes non équivoques.
Le premier reproche que je fais au livre a trait, justement, à Mein Kampf ou plutôt aux récents ouvrages à son sujet, particulièrement les deux éditions critiques de Munich en 2016 et de Paris en 2021. Elles sont ignorées, au profit de la médiocre publication en français de 1934. du coup, elles ne se voient pas reprocher leur omission du rôle de Churchill (l'artisan principal de l'échec du projet exposé dans le livre) et leur peu d'insistance sur l'agressivité de l'auteur contre la France.
Autre déception : le passage sur le vol de Rudolf Hess, un mixte de mes chapitres y afférents dans Churchill et Hitler et du livre récent de Pierre Servent sur Hess, qualifié de "biographie solide" alors qu'il s'agit d'un pamphlet manichéen. Branca fait droit à ma découverte de la manipulation par Churchill des dirigeants nazis via l'ambassadeur à Madrid Samuel Hoare, mais voudrait qu'Hess ait donné dans le panneau plus que son chef, et se soit envolé à son insu. Les deux arguments avancés, présentés comme décisifs, ne le sont nullement : Hess ne vient pas seulement proposer la paix, il assortit cela de terribles menaces (un redoublement de la guerre sous-marine conduisant à affamer l'Angleterre), l'envoi conjoint de cet émissaire en Ecosse et d'une nuée de bombardiers sur Londres n'est donc pas contradictoire; et si le communiqué de Berlin sur la disparition de Hess précède celui de Londres sur sa capture, cela s'explique fort bien par le fait que deux jours se sont écoulés depuis l'atterrissage espéré du visiteur chez des Anglais favorables à la paix : ceux-ci étaient à même de signaler cette arrivée par quelque filière en pays neutre. Hess était donc soit mort, soit aux mains de Churchill et, plus Hitler se désolidarisait tôt de son équipée, mieux cela valait.
Au total, un livre essentiel... qui risque encore, tant les préjugés démolis sont nombreux et vivaces, d'avoir du mal à s'imposer. La solitude de Churchill, la rage antifrançaise d'Hitler, le fait qu'en agressant la Pologne il savait qu'on lui déclarerait la guerre et le voulait pour écraser la France, sa décision d'Hitler d'attaquer l'URSS (en se résignant à une guerre sur deux fronts) dès le lendemain de Mers el-Kébir, bref, la combinaison chez Hitler
d'obsessions maladives, d'une juste appréciation des situations et d'une très grande habileté, toutes ces nouveautés qui cheminent à bas bruit depuis 1990,
n'ont encore rien d'évident !
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