L'isolement rendait les détenues apathiques ou bien complètement nerveuses. A quel moment pouvait-on croire qu'en déshumanisant les gens, en les privant de leurs libertés fondamentales, on les remettait dans le droit chemin et les aidait à devenir des citoyens équilibrés émotionnellement ? Personne ne sortait indemne de ces cinq mètres carrés de solitude.
Rachel avait l'impression d'être redevenue une gosse. Ce n'était même plus elle qui décidait, non, ils auraient même pu la forcer à finir son assiette pleine de viande et de sang si elle avait eu vingt ans de moins. Ça non plus, ça ne passait plus. La viande la révulsait, la dégoûtait. Parce qu'elle arrivait enfin à voir ce que c'était : une foutue tranche de cadavre.
L'espoir est l'opium des pessimistes. Espérer, c'était admettre qu'on avait déjà commencé à abandonner. L'espoir ne fait pas vivre, il ne fait que retarder l'échéance de la déception.
Les choses auraient pu être différentes pour elle. Dans une autre ville, dans un autre pays, sur un autre continent, elle aurait pu connaître une vie normale, être heureuse, fonder une famille, tous ces trucs pénibles qu'il fallait avoir faits pour se sentir soi-disant vivant.
La vie dehors avait dressé ses propres barreaux desquels il était impossible de s’échapper. La solitude ronge. Elle est plus amère quand il y a tant de gens autour de vous. Tant de sourires, d’accolades et de cœurs battants. Pas besoin d’une cellule de trois mètres carrés pour se sentir seul. L’infini est bien plus effrayant.
Quand vous avez vu de quoi l’humain est capable, comment faire pour continuer à vivre sur cette planète comme si de rien n’était ?
J'empruntai une route annexe et m'arrêtai à la première station essence que je croisai.
Personne n'osait l'arracher à celui qu'elle était en train de pleurer.
On pleurera des inconnus pendant qu'on laissera ses proches accumuler des balles dans le tiroir de leur table de chevet.
Le tic-tac de l'horloge murale sonnait comme le glas des moments heureux.