Quand vous avez vu de quoi l’humain est capable, comment faire pour continuer à vivre sur cette planète comme si de rien n’était ?
L'espoir est l'opium des pessimistes. Espérer, c'était admettre qu'on avait déjà commencé à abandonner. L'espoir ne fait pas vivre, il ne fait que retarder l'échéance de la déception.
L'isolement rendait les détenues apathiques ou bien complètement nerveuses. A quel moment pouvait-on croire qu'en déshumanisant les gens, en les privant de leurs libertés fondamentales, on les remettait dans le droit chemin et les aidait à devenir des citoyens équilibrés émotionnellement ? Personne ne sortait indemne de ces cinq mètres carrés de solitude.
Les choses auraient pu être différentes pour elle. Dans une autre ville, dans un autre pays, sur un autre continent, elle aurait pu connaître une vie normale, être heureuse, fonder une famille, tous ces trucs pénibles qu'il fallait avoir faits pour se sentir soi-disant vivant.
Rachel avait l'impression d'être redevenue une gosse. Ce n'était même plus elle qui décidait, non, ils auraient même pu la forcer à finir son assiette pleine de viande et de sang si elle avait eu vingt ans de moins. Ça non plus, ça ne passait plus. La viande la révulsait, la dégoûtait. Parce qu'elle arrivait enfin à voir ce que c'était : une foutue tranche de cadavre.
Et il y a, rangé dans la bibliothèque de vos souvenirs, ces instants, ces parfums, ces éclats de rire et ces genoux écorchés, qui vous rappellent à quel point la vie n'est qu'un passage, un voyage en train.
- Comment vous expliquez qu'ils ne l'aient pas tuée ? demanda Pete, le partenaire qu'on avait collé de force dans les pattes de Follers.
- Je ne sais pas. Probablement pour qu'elle raconte, qu'elle se fasse le relais de leur exploit.
- En tous cas, elle a eu de la chance.
- De la chance ? C'était sans doute ce qui pouvait lui arriver de pire. Maintenant, elle devra vivre avec ça jusqu'à la fin de sa vie.
J'empruntai une route annexe et m'arrêtai à la première station essence que je croisai.
Personne n'osait l'arracher à celui qu'elle était en train de pleurer.
La vie dehors avait dressé ses propres barreaux desquels il était impossible de s’échapper. La solitude ronge. Elle est plus amère quand il y a tant de gens autour de vous. Tant de sourires, d’accolades et de cœurs battants. Pas besoin d’une cellule de trois mètres carrés pour se sentir seul. L’infini est bien plus effrayant.