Citations sur Brigade mondaine, tome 14 : Le harem de Marrakech (12)
on n'y arrivera jamais dit Corentin las.
- mais si.vous n'avez qu'à
commencer par un maillon
de la chaîne.n,importe lequel.tout s,éclairera vite.
Automatiquement, les hippies avaient amené avec eux à Essaouira leur lot habituel de parasites. Trafiquants, revendeurs. Et spécialistes de « l’or rouge ». À savoir, le trafic du sang. Le formidable réseau mondial qui consiste à acheter le sang de ceux qui n’ont rien d’autre à offrir. Les miséreux de l’Inde ou de l’Amérique centrale et de l’Amérique du Sud. Et les drogués. Il y a un tel manque de sang et de plasma dans les hôpitaux du monde entier que les laboratoires et les banques du sang se sont organisés. Ils payent des démarcheurs pour les fournir. Une affaire florissante pour ces derniers.
Que les hommes sont bêtes. Ils croient dominer parce qu’on est à genoux devant eux. Et on les mène comme on veut.
Oui, pour une femme, se donner, ça voulait dire le faire sans aucune restriction. Jamais. Nulle part.
Depuis son échec au bac, on lui menait la vie dure à la maison. Elle étouffait. Elle avait l’impression, tout à coup, d’avoir des geôliers pour parents, et surtout, un jour, son père l’avait giflée, pour une remarque politique à table, jugée inacceptable. Elle n’avait rien dit. Mais quand Roger avait réapparu, miraculeusement, elle avait pris sa décision.
La fuite.
Cette grande fille à la fois mince et solide aux hanches et à la poitrine larges, front bombé, sourcils dessinés en arc, bouche charnue, yeux marron clair à la limite du jaune, était de la race aventureuse. Evident au premier regard. Il l’avait entraînée dans la cave où avec quelques copains il s’exerçait à la guitare et à la flûte indienne. Il lui avait fait découvrir l’amour. Elle était en terminale au CES. Précoce. Elle n’avait pas encore dix-huit ans. Excellente élève, bûcheuse. Mais elle l’avait rencontré. L’amour, le haschich, tout de suite. Une autre éducation, enivrante celle-là.
Elle devait se l’avouer : Epilée, tondue et chargée de bijoux barbares, elle serait plus belle pour les hommes, et pour elle-même aussi. Un violent appétit de séduction le lui criait.
Fabuleux, ces cheiks, non ? Pas capables avec tout le fric qu’ils ont, de se trouver tout seuls des nanas potables. Il faut leur en apporter sur un plateau.
La Française n’en avait que dix-huit. Un corps fait pour passer dix-huit heures par jour à aimer, parce qu’il faut bien dormir au moins six heures par jour. Et cet ahurissant miracle qui s’appelle la jeunesse. D’autant plus miraculeux qu’il s’accompagne d’un cœur déluré et aventureux.
Ce que serait demain, elle commençait à s’en moquer. Elle verrait bien. Inch Allah, comme on disait ici… Pour l’instant, elle avait un amant puissant et riche qui signait pour sa nouvelle garde-robe un chèque dont elle imaginait sans mal l’importance. Sûrement, ce soir, elle descendrait dîner au restaurant dans une tenue qui ferait se retourner les hommes. Quoi de plus agréable comme perspective ? Quand on sait en plus qu’après, il y aurait, entre ses bras, le torse noueux et chaud d’un bel Allemand de quarante ans aux yeux noirs précis et avides…