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Critique de BazaR


« Entre silencieusement le Vice appuyé sur le bras du Crime, M. de Talleyrand marchant soutenu par M. Fouché ; la vision infernale passe lentement devant moi, pénètre dans le cabinet du roi et disparaît. »
C'est par cette citation des « Mémoires d'outre-tombe » De Chateaubriand que Jean-Claude Brisville termine sa pièce « le souper ». Je pense pour ma part qu'elle pourrait bien être à l'origine de l'idée de la pièce.

6 juillet 1815. Napoléon est emprisonné. le Congrès de Vienne a eu lieu. Louis XVIII attend à Saint-Denis de pouvoir retrouver sa capitale. Mais les Parisiens ne semblent pas prêts à voir revenir cet ancien Régime sans donner de la voix et du fusil. Si un homme à poigne et volontaire les canalisait, ils pourraient tenter un retour à la République contre l'avis des aristos et de leurs alliés étrangers. Fouché en est convaincu ; il se verrait bien incarner cet homme.
Mais ce n'est qu'une option. Talleyrand le sait ; ils savent tout l'un sur l'autre et plus encore. Talleyrand invite Fouché à souper pour le convaincre qu'il est de leur intérêt commun de se rallier à la monarchie. Ensemble, les vieux adversaires peuvent encore contrôler la situation.

Et l'on assiste à un vrai ballet culinaire où chacune de ces monstrueuses personnalités essaie de persuader l'autre entre foie gras et saumon tout en ne pouvant s'empêcher d'essayer de la dominer. Les vagues d'assaut se succèdent, les abjections de chacun sont lancées sur la table comme des cartes d'atout. L'un ploie le genou, s'énerve, fait un balayage de jambe et envoie son adversaire à terre pour mieux l'aider à se relever ensuite. Cela les amuse ; ils sont deux grands champions d'échecs qui apprécient une partie comme un adversaire qu'ils considèrent comme leur égal. Mais avant l'amusement, ils traitent, ils marchandent.

Ils se ressemblent quand même beaucoup malgré leurs disparités. Au moins sur un point : ni l'un ni l'autre ne sont des idéalistes, des tenants des idées d'égalité et de fraternité. le peuple n'est pour eux qu'une masse sans cervelle qui doit être guidée et durement traitée si besoin. Il donne de la voix ? Il faut en faire son profit comme l'on profite de la marée pour attraper le poisson, et l'écraser s'il devient incontrôlable. Rien de bien nouveau au sommet du pouvoir me direz-vous. Cependant ici les phrases de mépris frappent violemment, déçoivent malgré tout.

Le texte est superbe. La politique s'accommode bien avec la cuisine et le champagne. Les détails de l'Histoire sont profondément instructifs pour qui ne connaît pas très bien cette période (c'est mon cas). S'il y avait un bémol à faire entendre, ce serait celui d'une impression de « surjoué », comme si les personnalités de Claude Rich et Claude Brasseur se dévoilaient sous celles de Talleyrand et Fouché pour me dire trop nettement qu'on est au théâtre.

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