AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Domichel


Tout d'abord je tiens à remercier Pierre Krause de Babelio, et les Éditions Presses de la Cité, pour la confiance qu'ils m'ont accordée afin de publier un article sur ce livre.
Bien sûr, natif de Nantes et passionné par l'histoire de ma ville et de cette époque sombre de notre passé, j'ai été emballé à l'idée de découvrir ce livre dès la lecture de son résumé.

1793 : la Terreur fait rage et à Nantes, plus qu'ailleurs, les “brigands” vendéens, les aristocrates et les cléricaux, sont les victimes toutes désignées de cette folie meurtrière incarnée par le sinistre Carrier, ses noyades organisées, ses mariages républicains et autres atrocités perpétrées au nom d'une purification révolutionnaire. Dans le bas Chantenay (quasiment au pied de chez moi), Lucile (12 ans) voit ses parents humiliés, attachés et exécutés sans autre forme de procès, dans une barque sabordée, et rapidement car la marée descend…
Le retour vers le château familial va être un nouveau drame pour cette enfant que décidément rien n'épargne, car les sbires de Carrier ont saccagé, vandalisé et brûlé la Grande Gibraye, demeure familiale des Neyrac. Lucile n'a qu'une idée en tête, la vengeance à l'égard d'un homme qu'elle a vu juste avant la mort de sa famille, et dont elle a entendu prononcer le nom, le Chevalier de Préville.
Trois ans ont passé, les exactions ne sont plus qu'un souvenir, surtout pour ceux qui n'en ont été que les témoins, et un semblant de gaieté semble animer une ville que viennent fréquenter les « Inc'oyables » et les « Me'veilleuses », arrivés de la capitale. Nous retrouvons Lucile dans les bas quartiers de la ville entre la Fosse et ses quais et le théâtre Graslin à peine inauguré, avec une bande de vauriens qui ne cherchent qu'à survivre, ayant tout perdu, y compris une hypothétique famille. À partir de là et de l'incendie du théâtre, le destin de Lucile va basculer d'une bien étrange façon. Son idée de vengeance la dévore encore comme un feu intérieur et rien ni personne ne saura l'en détourner.

Au-delà de sa trame historique véridique et de ses itinéraires dont on connaît aujourd'hui toutes les rues, le récit brille par sa documentation particulièrement fouillée et de l'ambiance que l'auteur a su y insuffler. La bibliographie à la fin de l'ouvrage suffit à le vérifier quand on est un peu bibliophile nantais. Sensibilisé très jeune par cette époque, je retrouve dans le texte, tout ce que me racontait mon grand-père, incollable sur l'histoire de Nantes et des Guerres de Vendée.
Dès le prologue on plonge dans l'enfer de la Terreur et jusqu'au bout du roman, même quand les événements seront apaisés (?), on vit au rythme des aventures de la petite héroïne. le texte est simple sans être simpliste, le vocabulaire recherché, le style fluide et le rythme soutenu. J'ai particulièrement apprécié les incises en tête de chapitre qui introduisent avec finesse les textes à venir.
D'où j'habite je ne peux plus sentir le calfatage des bateaux, car le dernier construit à Nantes date des années quatre-vingts, et le port ne bruit plus des harangues des marchands pour attirer le chaland, là où l'on déchargeait les navires de toutes les denrées arrivées du lointain. Les ballots de coton et les sacs de café, ou le sucre à raffiner ont laissé la place aux vélos du dimanche. Les lanternes rouges ont disparu et s'il reste quelques bars à hôtesses, la réputation du quartier de la Fosse s'est estompée, au profit d'un éléphant mécanique qui barrit tous les jours de l'autre côté du fleuve. Mais il faut rendre grâce à l'auteur de nous avoir rappelé ce qu'était cette ville magnifique avec son quartier Kervégan où subsistent la plupart des immeubles du XVIIIe, dont l'hôtel de la Villestreux, le théâtre Graslin plusieurs fois rénové et trônant sur son large escalier, et, malgré les dégâts des bombardements, on peut encore admirer sur les quais nombre d'anciens hôtels particuliers, aux balcons ventrus ornés de ferronneries d'art et soutenus par des cariatides ou autres atlantes et télamons, et aux larges portails surmontés de mascarons grimaçants.
Et ce titre : « Et toujours ces ombres sur le fleuve… » Ombres que je devine le matin en partant travailler en longeant la Loire…
D'aucuns - forcément - trouveront quelques passages difficiles à croire ou ne se livreront pas au rythme de la vie de Lucile et des surprises à venir, mais qu'importe, les fâcheux sauront toujours glisser quelques commentaires acides ou trop rigides.
Je n'aurai qu'un petit regret : la fin très (trop ?) vite arrivée et les points de suspension qui en résultent. L'auteur compte-t-elle nous livrer une suite ? Si c'est le cas je me laisserai tenter sans retenue.
Commenter  J’apprécie          111



Ont apprécié cette critique (7)voir plus




{* *}