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Critique de Colchik


Précoce automne est remarquable tant par son atmosphère que par la peinture sans complaisance de la bourgeoisie puritaine de la Nouvelle-Angleterre au début du vingtième siècle. Dès les premières lignes, à touches sèches, l'auteur nous dit l'opulence de la famille Pentland, mais aussi les ambitions qui pointent derrière le bal qui introduit la jeune Sybil sur le « marché matrimonial » et les fractures qui se dessinent derrière la façade familiale. Les principaux protagonistes de l'histoire apparaissent, ils sont là, devant nous, nous pouvons les voir. En quelques phrases concises, d'une formidable puissance évocatrice, surgissent Cassandra Struthers, la grand-tante de Sybil, la superbe Sabine Callendar et l'émouvante Olivia Pentland, la mère de Sybil, puis le patriarche, John Pentland. Leur présence quasi physique se double d'un portrait psychologique ébauché par quelques traits fulgurants. C'est tout l'art de L. Bromfield dont l'habileté à camper les personnages n'exclut pas une grande sensibilité à la nature et à ses changements.
C'est un roman sur l'emprisonnement des vies : la réclusion forcée de la femme de John Pentland, l'enfermement de tante Cassie dans un personnage de martyr, l'isolement d'Olivia dans un monde étouffant et stéréotypé, l'impuissance de Sabine, sa cousine, à s'affranchir d'une vengeance à retardement.
Louis Bromfield excelle à démonter les mécanismes psychologiques qui animent ses personnages. le désespoir se teinte souvent de cruauté, mais jamais dans la caricature. La dureté de tante Cassie et la volonté inflexible de John Pentland trouvent leur origine dans le passé et l'auteur s'en fait l'écho quand nécessaire, car il n'oublie pas que les convenances sociales sont héritées avant d'être transmises. Cependant, cela n'enlève en rien la force de sa démonstration quand il s'agit de dépeindre une société qui broie les êtres les plus fragiles ou les plus sensibles.
La figure lumineuse d'Olivia Pentland ne peut qu'émouvoir le lecteur. Elle a quarante ans et son statut de mère prend le dessus sur celui de femme. Elle renonce à secouer l'hypocrisie qui l'entoure pour permettre à sa fille d'aimer selon son coeur, mais aussi par lucidité. Elle sait ce qu'elle doit à son milieu et ce qu'elle en retirera (une sécurité, un ennui “agréable”, du confort) au moment même où la maturité ne lui permettrait plus de s'imposer très longtemps auprès de ses rivales. Elle renonce à son amour parce qu'elle n'est pas sûre que Michael O'Hara, tout parvenu qu'il soit, aimerait longtemps une femme dont la déchéance sociale pourrait briser ses ambitions politiques. Mais, ce que l'on aime chez Olivia, ce sont les flux et reflux du sentiment amoureux qui correspondent si bien à l'âme d'une femme qui a vécu.
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