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Critique de BurjBabil


Essai très intéressant qui s'ouvre sur un questionnement : est-ce vraiment la fin de notre histoire humaine, ainsi que M. Francis Fukuyama le prédisait en 1989, au moment du grand basculement vers l'unilatéralisme de l'empire ? Comment quelqu'un de solidement formé intellectuellement peut-il souscrire à une telle bêtise. Vu d'aujourd'hui cela ferait presque sourire : l'histoire bien sûr ne s'arrête jamais...
M. Bronner va donc s'intéresser, au fil de cet essai très bien écrit, à notre bien commun le plus précieux : notre cerveau ! La première partie retrace cette victoire matérielle qui nous affranchit (enfin, ce qu'il reste de la classe moyenne occidentale, c'est un non-dit du livre) de tout un tas de contraintes chronophages.
Que faisons-nous aujourd'hui du temps libéré par les machines ? On est occupé à quoi finalement ? La deuxième partie du livre en fait le bilan : en gros, ce sont les écrans qui empiètent même sur notre sommeil . . . Pas les écrans de papi (TF1 et le temps de cerveau disponible...) mais ceux des bijoux technologiques qui se sont immiscés dans notre vie quotidienne, smartphones en tête. Avec tous les atours de la modernité : les réseaux sociaux, les achats en ligne etc...
Nous sommes devenus dépendants. Consentants. Demandeurs.
La troisième partie est plus prospective et justifie le titre de cet essai : l'apocalypse cognitive. Celle-ci repose sur la prise en compte de « notre appétence pour la conflictualité, de notre avarice cognitive, ou encore notre soumission aux injonctions de la visibilité sociale. »
Il y développe par exemple et entre autres, l'idée d'une conflictualité née de l'existence d'invariants de notre espèce (en particulier de ceux qui ressortent de notre cognition, notre cerveau de primates évolués) et des modèles intellectuels que notre (presque) toute puissance technologique nous ont amenés à construire.
Tout ceci nous amène à quoi ? Au risque ultime : l'extinction... Comme d'autres...
C'est le retour de Franck Drake, l'explorateur de l'espace qui a donné son nom à une célèbre équation (je sais c'est la deuxième fois déjà), le fameux N = R × fp × ne × fl × fi × fc × L. Avec l': la durée durant laquelle une civilisation est détectable.
Dans l'équation de Drake, ce l', durée moyenne d'une civilisation donc, est estimée à 10 000 an...
Quelle lecture avoir de la valeur de l', dans l'équation de Drake ? Difficile à analyser, notre cerveau ne semble pas cognitivement apte à gérer une organisation civilisationnelle de milliards d'habitants. La découverte des multiples exoplanètes et une maîtrise minimale des statistiques de base débouche sur un paradoxe : pourquoi n'avons-nous aucune nouvelle de l'extérieur ?
La solution la plus probable selon Mathieu Agelou (2017) serait l'instabilité endémique des civilisations intelligentes. D'où l'hypothèse formulée par Alexandre Delaigue : « Si l'espace est silencieux, c'est parce que tous ceux qui ont eu l'occasion de faire un parcours similaire au nôtre se sont effondrés (2017 aussi). »
Pessimisme ? Non, le dépassement de ce plafond civilisationnel ne pourra venir que de nos ressources intellectuelles, c'est-à-dire de notre capacité à concevoir une ingénierie de l'intelligence collective qui nous permette de dépasser les limites de nos cerveaux individuels.
Ce livre nous aide à en saisir les tenants. Il est presque formidable de ce point de vue....
Presque? Car apparemment aucune civilisation ne semble avoir réussi cet exploit et si j'allume mon poste de TV, si j'écoute ma radio, je me dis que ce n'est pas gagné...
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