Gerald Bronner vous présente son ouvrage "
Les origines : pourquoi devient-on qui l'on est ?" aux éditions Autrement.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2675095/gerald-bronner-
les-origines-pourquoi-devient-on-qui-l-on-est
Note de musique : © mollat
Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
Visitez le site : http://www.mollat.com/
Suivez la librairie mollat sur les réseaux sociaux :
Instagram : https://instagram.com/librairie_mollat/
Facebook : https://www.facebook.com/Librairie.mollat?ref=ts
Twitter : https://twitter.com/LibrairieMollat
Linkedin : https://www.linkedin.com/in/votre-libraire-mollat/
Soundcloud: https://soundcloud.com/librairie-mollat
Pinterest : https://www.pinterest.com/librairiemollat/
Vimeo : https://vimeo.com/mollat
+ Lire la suite
Au départ, ce constat : notre monde se caractérise par une « disponibilité mentale » de ses habitants qu’aucune autre société n’a connue. Depuis un siècle, la durée du temps que nous pouvons chaque jour consacrer à nous instruire, nous distraire ou réfléchir a été multipliée par huit. Ce trésor inestimable, qu’en faisons-nous ? Nous le dilapidons allègrement en millions d’heures consacrées au porno, aux jeux, à quantité de satisfactions immédiates addictives… au détriment d’élaborations plus durables et, à terme, plus utiles.
Avant-propos
Les cabinets de curiosités furent l’une des passions de la Renaissance. Seuls les Européens les plus fortunés pouvaient s’adonner à cet engouement pour l’accumulation des choses étranges et rares qui étaient de nature à susciter l’étonnement. Ces collections trouvaient refuge dans une armoire vitrée ou une salle toute entière pour les plus ambitieux. Les cabinets de curiosités avaient pour but d’exposer certaines des marges du monde tel qu’il était connu à cette époque : les étrangetés de la nature relevant aussi bien de la vie animale par des œuvres de taxidermie, des squelettes ou des insectes séchés, que du monde minéral par des fossiles dont la découverte allait bientôt bouleverser la science, ou encore des morceaux de ce que l’on ne nommait pas encore des météorites. Mais le monde humain n’était pas en reste car ces cabinets proposaient aussi la découverte d’antiquités ou encore d’objets ethnographiques.
Avec beaucoup de motivation, il est toujours possible de faire passer les faits pour des opinions. De ce point de vue, les obscurantistes jouissent à plein de la philosophie relativiste contemporaine, qui considère que le vrai est une construction sociale et que l’objectivité à laquelle le monde scientifique prétend n’est qu’illusoire. Une fois cela admis, tout n’est plus ensuite qu’un jeu d’influence dans l’espace public. La dérégulation du marché de l’information que constitue Internet a profité de ce relativisme en permettant la juste revendication du droit de chacun à donner son point de vue, mais en l’assortissant souvent d’une clause illégitime : tous les points de vue se valent. L’obscurantisme profite donc de cette confusion permanente sur nombre de sujets entre le vraisemblable et le vrai. Il dissimule une partie de l’arborescence des possibilités et biaise nos choix.

Curiosités de la vie quotidienne
Quatre chercheurs en sciences de l’information des universités allemandes de Humboldt et de Darmstadt ont mené une étude dont les résultats ont suscité de nombreux commentaires. Elle montre notamment que l’utilisation de Facebook, le réseau social en ligne qui compte plus d’un milliard d’utilisateurs, crée beaucoup de frustration et de jalousie. Pourquoi ? Parce que sur ce réseau social, comme sur d’autres, chacun a tendance à se mettre en scène et donner de sa vie un aperçu souvent flatteur. Cette exhibition peut créer chez celui ou celle qui en est le témoin un sentiment d’insatisfaction. Cette personne peut facilement avoir l’impression, par comparaison, que sa vie est moins intéressante en moyenne que celle de ses amis.Parmi les 600 personnes sur lesquels portait cette expérience, près de 40 % d’entre elles avaient le sentiment d’être plus malheureuses après s’être connectées au célèbre réseau, et ce sentiment était encore plus fort parmi les personnes qui ne publiaient rien sur leur mur. Elles ressentaient, plus que les autres, solitude, colère, ressentiment. Parmi toutes les informations qui les blessaient, les premières causes de cette frustration étaient les photos de vacances de leurs amis ! Ce type de sentiment n’a certes pas attendu l’apparition d’Internet pour exister, mais il est vrai que le web peut l’amplifier lorsqu’il donne une plus grande visibilité à la mise en scène de la « réussite » des autres.
Ces résultats sont amusants, mais ils n’ont rien d’étonnants pour qui a lu Alexis de Tocqueville…
L’esprit humain est irrésistiblement attiré par les explications de type mono-causal. Il faut une certaine gymnastique mentale pour concevoir qu’un effet puisse être produit par plusieurs causes simultanées.
Excepté ceux qui ont la chance d'exercer leur profession comme une passion, les êtres humains accepteraient de travailler moins à revenu constant. De même et plus unanimement encore, ils applaudiraient à l'idée de voir leur activité professionnelle allégée de toutes les tâches abrutissantes qui gâchent leur quotidien.

Curiosités de notre crédulité
Produire un miracle n’est pas chose facile. On peut même dire que ça devient de plus en plus dur. Si l’on prend l’exemple de Lourdes, on constate qu’il y a près de quatre fois moins de guérisons miraculeuses reconnues par an à partir des années 1960. La raison en revient à une rigueur accrue de la commission scientifique de Lourdes. Tout individu postulant au statut de miraculé doit désormais en passer par une série de contrôles exigeants. Il faut d’abord s’entretenir avec le docteur Theillier, président de l’Association médicale internationale de Lourdes. C’est lui qui opère un premier tri parmi les quelque 50 personnes qui postulent en moyenne chaque année au titre de miraculé : pas même 1 % de ces dossiers aboutiront à une reconnaissance officielle de l’Église. Ensuite, le dossier est examiné par une commission de médecins qui, si elle le juge suffisamment intéressant, avertit l’évêque de son diocèse. Dès lors, le dossier est entre les mains du Comité médical international de Lourdes. Un spécialiste de la pathologie considérée se penche sur le dossier en profondeur avant de soumettre à la commission la poursuite de son étude. Il s’agit prioritairement de voir si cette guérison, supposée miraculeuse, ne peut pas s’expliquer par les voies normales de la science, ce qui nécessite de se familiariser avec les recherches les plus pointues dans le domaine.
Cette tension que nous connaissons tous entre le confort de la sécurité et l’appétit pour la découverte peut aussi être interprétée comme profondément inscrite dans notre histoire évolutionnaire. Peu d’organismes peuvent survivre s’ils ne sont pas capables d’apprécier les coûts et bénéfices potentiels de l’inconnu.
Les cobras, dont chacun connaît la dangerosité, proliféraient dans la ville de Delhi et le gouvernement d’alors eut la brillante idée de proposer une prime à chaque habitant présentant la dépouille d’un reptile qu’il avait éliminé. La conséquence primaire de cette décision correspondait bien aux intentions qui l’avaient motivée : on tua un grand nombre de cobras dans la ville de Delhi. Mais les conséquences secondaires, elles, furent inattendues. En effet, un certain nombre d’habitants se mirent à élever des cobras pour pouvoir toucher régulièrement la prime. Le pouvoir politique s’avisa bientôt de ce détournement et annula la prime. La conséquence ne se fit pas attendre : tous ceux qui avaient élevé ces serpents les relâchèrent dans la nature puisqu’ils avaient perdu leur valeur et la population de cobras dans la ville de Delhi fut plus importante que jamais.
[...] si tu maîtrise mieux les limites qui pèsent sur ton jugement, tu auras beaucoup moins à craindre des manipulations extérieures, qu'elles viennent d'Internet, des médias conventionnels ou de ta vie de tous les jours.