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Critique de marcbali


Aujourd'hui je vais évoquer Exorcisme autobiographie du sociologue Gérald Bronner. Ce texte est très intéressant car à travers son parcours personnel il interroge son rapport à son principal sujet de recherche (les croyances) et met en lumière ce qui explique la motivation de ce choix. La forme littéraire de cet essai avec la modification de certains prénoms (Jean-Luc, Nahil) confère un aspect romancé au récit égo réaliste.
Exorcisme est un texte accessible organisé en deux parties qui correspondent à deux périodes avec un regard radicalement différent sur les croyances, possible uniquement après l'analyse et la prise de distance. Gérald Bronner rend public des parties de sa vie jusque-là passées sous le radar de ses interventions médiatiques et de ses précédents essais. Il ne s'agit pas de se dévoiler impudiquement mais d'analyser sous l'angle sociologique ses choix, ses convictions et ses positions. Durant son adolescence nancéienne (la ville joue un rôle important) l'auteur issu d'une famille modeste frôle la délinquance et même l'incarcération. Il raconte des scènes de vols et surtout comment il ne franchit pas le cap, retenu par une force mystique, qui l'aurait conduit vers la prison. Ce transfuge de classe est alors imprégné au contact de ses pairs d'une virilité que l'on qualifierait aujourd'hui de toxique et doit prouver par ses actes son appartenance au groupe. Il écrit lucide : « lorsque nous sommes arrivés à l'âge de vingt ans et que ces histoires de délinquance étaient loin derrière moi, certains de mes amis avaient déjà passé un tiers de leur vie en détention. » Alors que la socialisation du garçon s'effectue au sein de son groupe d'appartenance populaire il est intéressé par les croyances et surtout les visions borderline portées sur le satanisme et autres marges. Il fréquente beaucoup Jean-Luc son oncle vieux garçon féru d'occultisme et d'ésotérisme qui l'initie et lui transmet sa passion. L'auteur est quelque peu tiraillé, il n'a pas exactement le profil de ses congénères : « parmi nous, des bêtes féroces. Pas moi. J'aurais bien voulu, un temps. Lorsque je rentrais le soir, je portais le secret de mon hypocrisie. Être un voyou, c'était une façon de survivre pour un jeune homme blanc aux yeux bleus qui n'a pas eu la chance de naître dans une famille de médecins. » C'est donc à l'adolescence que remonte la construction de sa personnalité nimbée de foi et de croyance. Il explore cette période où les croyances sont au coeur de sa vie avec distance et un peu de nostalgie. Force est de constater que son appétit de nourritures intellectuelles est précoce. Il souffre du manque de livres et se plonge dans les écrits proposés par son oncle. Il se voit gourou d'une secte sans trop de fidèles. Avec ses amis les plus proches (Christian et Nahil) il fonde le C.E.R.F qui réunit quelques illuminés. Il précise : « en quelques mois, et pas un de plus, j'étais passé du statut de minable petit délinquant, à celui d'homme-Dieu. » Et puis la lecture et quelques rencontres permettent à l'auteur de bifurquer et de s'orienter vers la sociologie. Dès lors il va s'attacher à comprendre la question des croyances dont il affirme : « la croyance est cette machinerie extraordinaire qui transforme le désir en prémonition, puis cette prémonition en savoir. » Avec sa petite amie il part à Grenoble pour sa maitrise puis peu à peu il s'éloigne de ses attachements spirituels de jeunesse même si le processus est long et exigeant puisque : « les croyances collectives était chevillé à mon être. Ce thème que j'avais choisi pour mes recherches plongeait au plus profond de moi. » Mais le plus important reste qu'il : « (a) compris progressivement que l'on pouvait croire à des choses folles sans être fou soi-même. »
Exorcisme est un récit de jeunesse où le mystique se prend pour un gourou auprès d'illuminés prêts à le suivre. Gérald Bronner retrace en sociologue son parcours singulier qui prend alors valeur d'idiosyncrasie transposable aux autres. C'est également un joli témoignage d'un transfuge de classe (on pense à Edouard Louis) qui sans rien renier s'est émancipé et grâce à la sociologie s'est accompli professionnellement.
Voilà, je vous ai donc parlé d'Exorcisme de Gérald Bronner paru aux éditions Grasset.

Lien : http://culture-tout-azimut.o..
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