De façon générale, lorsque je souhaite me débarrasser d'un problème, je l'ignore.
Je sais que certaines personnes disent parfois me trouver bizarre mais ce sont elles qui le sont. Il n'y a pas plus normal que moi.
La Joconde est là, dans mon salon, avec son sourire un peu niais.
Une fois que j'ai rassemblé mes esprits (je me crois plutôt intelligent, et donc doté de plusieurs esprits qu'il convient de rassembler à échéance régulière), l'explication du mystère me semble en fin de compte assez limpide.
Il faut toujours se méfier des phrases. Je leur préfère les mots. Les mots isolés. Posés, un à un, sur le plateau du scrable. Des mots qui ne forment pas un tout, qui n'ont pas un sens global. Dès qu'ils ont un sens global, celui-ci ne correspond plus à la vérité et s'échappe comme une fuite d'eau (il faut veiller à ne pas faire l'autruche lorsqu'on est victime d'une fuite d'eau, c'est un conseil que m'ont donné mes parents à l'époque, mais je crois qu'ils avaient perdu la raison). La vérité ne tient qu'en un mot. Le mot "chaise" désigne une chaise, il n'y a rien à ajouter.
Mes parents sont vieux, bien sûr, je le leur dit souvent, d'ailleurs. Je leur dit "vous êtes vieux" et ils sourient et me disent "en effet, tu as raison, nous ne sommes plus jeunes". Ce à quoi je rétorque "ce n'est pas que vous n'êtes plus jeunes, vous êtes vieux" , et ils sourient encore.
(mes parents) m'emmènent parfois dîner dans un restaurant pour me sortir un peu, ils pensent que je ne me sorts pas assez. Ils ne disent pas que je ne sors pas assez, il disent que je ne me sors pas assez, comme si j'étais un objet en dehors de moi-même qu'il me fallait transporter.
J'ai l'impression que la Joconde et moi nous nous regardons du coin de l'oeil, tandis que je regarde également du coin de l'oeil. Contumace, que je sens interloqué par l'étrangeté de cette situation. jContumace lui-même me regarde du coin de l'oeil tout en regardant la Joconde du coin de l'oeil, et tous ces gens qui se regardent du coin de l'oeil commencent à me monter à la tête, sans compter que je suis en train de me demander si l'oeil possède vraiment un coin.
J'ai donc décidé de ne plus ignorer les problèmes de fuite d'eau (...) J'ai trouvé l'expression très belle et me suis demandé si je ne pouvais pas, un jour, fuir moi aussi, avec l'eau (cela étant, si c'est pour me retrouver chez les voisins du dessous, ça enlève à l'opération une partie de son charme).