Mais ce que je vois, ou ce que je crois voir, c'est la statue transparente, cette chose que j'ai prise pour une sculpture de Fabrio. Et si j'en crois mes yeux, Apolline avait raison : cette chose se déplace en se contorsionnant sur le sol. Elle est donc vivante. Et même bien plus vivante que moi à cet instant.
Tout ça n'est sûrement rien d'autre qu'un cauchemar éveillé.
Je contemple cette masse informe. Son mouvement ondulatoire est fascinant à regarder. Et je discerne, imbriqué à l'intérieur de son corps volumineux, les restes de l'armure. Des morceaux de fer en train de se dissoudre, qui paraissent s'être amalgamés à la chair même de la créature. Quant à Linda, son être physique a totalement disparu.
Depuis tout à l'heure, nous faisons l'amour.
Plusieurs fois mais en même temps.
Ou plutôt, pour être plus précis : avec chacun deux sexes, qui fusionnent pour en devenir quatre.
Et nous ne nous concentrons plus, comme nous avions à le faire avant. Ce n'est plus nécessaire pour que les ondes de plaisir circulent, se transmettent de l'un vers l'autre, d'elle jusqu'à moi et de moi jusqu'à elle. Car maintenant que nos corps se sont rejoints et entremêlés, nous réceptionnons et nous renvoyons ces ondes en permanence, sur un mode continu.
En fait, l'effet est tellement surmultiplié par rapport à une relation sexuelle normale que j'ai encore du mal à me convaincre que nous ne sommes que deux, moi et Apolline.
Fabrice examine le corps de femme qui git sur le sol. Elle est toujours inconsciente. Il scrute les formes et les contours de cette silhouette. Et il est plutôt rassuré par ce qu'il voit. Ce n'est pas si mal. Physiquement, ça ira. Bien sûr, elle n'a rien d'exceptionnel, mais elle fera une épouse tout à fait consommable. Et c'est tout ce qu'on lui demande.
Il se penche vers elle. L'attrape par les cheveux. Puis il tire, très fort, de manière à pouvoir tracter la proie tout en avançant le plus rapidement possible. Elle est désormais soumise, docile et domptée. Il est temps de l'amener à l'endroit prévu : la cérémonie nuptiale va pouvoir commencer.
Linda. Ce veau. Cette espèce de dinde molle : sa cible. Sa proie. Son joujou du moment. Car Apolline est déterminée. Il est temps de revisiter l'éducation de la grande brune, et de lui faire admettre quelques vérités premières en ce qui concerne les rapports humains. En fait, depuis qu'elle a commencé à la suivre, depuis des heures, elle ne pense qu'à ça : bousculer Linda, la heurter, la secouer. Pour son bien. Et dommage qu'Apolline n'ait pas un sexe d'homme, parce qu'elle la violerait, là, tout de suite, sauvagement. Mais en le faisant avec juste ce qu'il faut d'amour et de compassion pour que l'expérience soit réellement perturbante.
Une seringue.
La pute agit vite, trop vite. Le geste est franc, net, chirurgical. Fabrice n'a pas le temps d'esquiver. Une pointe dure s'insère dans son bras gauche.
Un froid glacé, paralysant.
Il se sent partir, basculer en arrière, chuter de tout son poids. Rien à faire, aucune parade possible. Son corps ne répond plus. Ses membres sont ankylosés, rigides, lourds comme du plomb.
Il s'effondre au sol.
Il aurait bien aimé perdre connaissance. Mais non. Ses yeux fonctionnent, et l'obligent à assister à ce qui va suivre. Il est devenu, en à peine quelques secondes, une victime passive et docile.