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Critique de Erik35


DIES IRAE, DIES ILLA

Jour(s) de colère que ce(s) jour(s)-là, oui ! Une colère énorme, biblique, apocalyptique peut-être et qui est cause qu'un certain Tancrède (Robert de son nom réel) a des yeux qui révèlent qu'il a « traversé les Enfers », ainsi que le notera l'imposant seigneur Harald, normand d'origine comme le premier (comprendre : ces fameux descendants des "nord man", ces géants blonds originaires du Danemark ou de Norvège, et qui avaient fait souche dans notre actuelle Normandie), commissionné par l'Empereur de Byzance pour conquérir la Sicile.
Nous sommes donc dans la Sicile des "caïds" mahométans, au mitan de ce XIème siècle terriblement rugueux, ouvertement violent, sans pitié, sans peur si ce n'est, peut-être, celle de Dieu. Un siècle où la diplomatie cède si facilement le pas au son des lames qui s'entrechoquent ou des haches qui brisent les têtes !

Quoi qu'il ne soit à la tête que d'une vingtaine d'homme - de rudes et intrépides gaillards qui semblent lui être dévoués corps et âme pour une raison que nous laissons le soin au lecteur de découvrir - Tancrède va convaincre le Seigneur Harald, avec une assurance qui confine à l'arrogance, qu'il peut prendre en trois jours, peut-être moins, la ville que le chef normand convoite, en échange, rien que ça, du trésor incroyable que le caïd y a amassé.
Or Dieu dans tous cela ? Dieu, il est représenté par un bien étrange moinillon, impertinent et fanatique personnage, lui-même suivit comme son ombre par un autre d'une inquiétante discrétion. Ce jeune moine présomptueux, dont on comprend très vite qu'il est en service commandé pour le pape ainsi que proche disciple du légat, semble être l'une des clés de cette histoire dense, complexe même, où les intérêts en jeu dépassent, et de loin, les seuls protagonistes de ce premier album extrêmement prometteur.

Car, si les personnages sont campés avec beaucoup de générosité et dans un style puissamment direct - on retrouve avec grand plaisir la force percussive qui était l'un des atouts majeurs de la trilogie "Le Roy des ribauds" -, on comprend aussi, dès les premières pages de cet Ira Dei, que ces derniers ont chacun des motivations à la fois très diverses, quoi que pas forcément antagonistes sur le moment, et souvent autres que celles qu'ils semblent afficher au grand jour. Préservant ainsi à chacune des personnalités croquées ici une part de mystère ainsi qu'une vraie épaisseur, ce premier opus de la nouvelle saga co-crée par Ronan Toulhoat au dessin et à la couleur et Vincent Brugeas tient dores et déjà toutes ses promesses !
Les amateurs de bande-dessinée historiques y trouveront leur compte : même si les deux créateurs se jouent quelque peu des faits historiques réels, l'ambiance, la trame générale ainsi que les parts d'ombre dans ce que l'on sait de cette époque lointaine, méconnue et pas toujours documentée avec la précision scientifique que nous connaissons aujourd'hui, laissent large part à l'imagination sans que le rejeton ainsi enfanté puisse paraître pour une pure trahison. Les spécialistes hurleront peut-être, mais le simple fait de rappeler que la Sicile fut conquise et gardée pour une durée d'un peu plus d'un siècle par ces farouches et intrépides normands, de donner vie à cette période avec brio et vitalité est déjà un exploit que les deux créateurs relèvent haut la main !
Quant aux passionnés de récits d'aventure où s'entremêlent passions humaines, guerres, jeux de pouvoir, vengeances - le fil rouge, fait de multiples flash-backs, a des petits côtés "comte de Monte-Christo" vraiment très bien amenés -, ces amateurs-là seront assurément comblés, bien que ce premier opus connaisse, inévitablement, le défaut du genre : celui d'être le premier d'une série qui s'annonce foisonnante et palpitante et qu'on aimerait tenir déjà en main la résolution à cette première aventure de ce diable de Tancrède, homme du nord perdu dans les chaleurs méditerranéennes pour notre plus grand plaisir de lecteur.

Enfin, ceux qui avaient, comme nous, adoré le graphisme du "Roy des ribauds" ne seront pas en reste : les couleurs sont absolument somptueuses, les personnages croqués avec force et une efficacité redoutable (même si, reconnaissons-le, le trait farouchement évocateur de Ronan Toulhoat mais l’épaisseur graphique parfois un peu trop appuyé de certaines expressions, de certaines gueules, s'adapte - rien qu'un peu - moins bien aux lumières siciliennes, crues, explosives, plutôt qu'à l'ambiance ténébreuse, méphistophélique presque, du Paris des bas-fonds de leur précédente saga), des scènes de bataille à couper le souffle, une mise en page rythmée, éruptive - Etna oblige ? - alliant vitesse et profondeur de champ : cet homme-là est bien doué, assurément, et nos deux compères sont un exemple parfait de bel accord entre le texte et l'illustration : on en redemande, que dis-je ? Vivement la suite !!!

Un immense merci, donc, pour ce premier volet reçu dans le cadre de la MASSE CRITIQUE d'Avril. Merci à Babelio et aux éditions Dargaud pour un album qui frise le sans faute !
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