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Critique de Bequelune


Après avoir rigoureusement démonté les biais de logique et les interprétations des autres auteurs ayant écris sur le sujet des druides celtes, Jean-Louis Brunaux reproduit par moment les mêmes erreurs. Travers dommage pour une étude qui ne manque au demeurant pas de qualité. On retiendra que des celtes historiques on sait finalement bien peu de choses, en particulier pour ces druides qui ont créé bien des fantasmes.

Dès l'introduction, Brunaux attaquera de front ce qui est pour lui la grosse erreur des études sur les celtes. L'erreur vient de l'usage assez large de ce qui peut être entendu comme « celte ». On va dire qu'il y a 3 espaces-temps qui se superposent, et qui n'ont rien à voir.
— D'abord les Celtes historiques, entre le 8e siècle avant JC et le début de notre ère ; ceux là sont surtout présent en Gaule, Belgique, une partie de l'Allemagne, la Suisse.
— Ensuite les mythologies et légendes dites celtiques également, mais au Bas Moyen en Irlande principalement.
— Enfin les régions qu'on dit celtiques aujourd'hui, donc Irlande, Ecosse, Pays de Galle et Bretagne.
Le rapport entre ces trois espaces-temps est finalement assez lointain. En tout cas, nous dit Brunaux, on ne peut absolument pas s'appuyer sur les mythes Irlandais de l'an 1000 pour comprendre les celtes continentaux qui ont vécu près de 1500 ans plus tôt. Autre époque, autre géographie, autre culture. Dis comme cela ça paraît une évidence, c'est pourtant un travers courant. On va chercher chez les mythes irlandais la matière textuelle très pauvre sur les celtes historiques, puisque ceux là n'écrivaient pas directement. On ne les connait que par leurs voisins grecs et romains.

Ces textes, d'ailleurs, quels sont ils ? La première partie du livre est à mes yeux la plus intéressante. Brunaux revient aux sources textuelles antiques et nous présente qui s'est inspiré de qui, quel auteur peut être considéré comme fiable et pourquoi, tel autre est à prendre avec des pincettes, etc. J'ai beaucoup apprécié cette transparence méthodologique. Après cet exposé, on comprend bien sur quels textes Brunaux s'appuient pour son étude, et ce qu'il a choisi de laisser de coté. En plus des textes, il fera des références ponctuelles à l'archéologie – bien que cette discipline soit peu utile pour des druides qui ont laissé peu de traces matérielles directes.

On finit donc cette première partie en se disant : finalement on ne sait pas grand chose de ces celtes historiques. L'archéologie peut nous apprendre beaucoup sur leur mode de vie, leurs armes, leurs poteries, leurs maisons... bref, tout ce qui laisse des traces matérielles. Mais sur leur philosophie, leurs croyantes, en fait ce qui ne laisse pas de trace, on est très limité par le manque de sources.

Ces sources, en gros, nous disent que les druides étaient des sortes de philosophes, ou de théologiens, qui avaient créé des écoles (pas école au sens moderne, mais plutôt comme les écoles pythagoriciennes en Grèce à la même époque), écoles donc qui avaient une grande influence sur la société gauloise. Les druides donc n'étaient ni des prêtres (ce ne sont pas eux qui présidaient les sacrifices ou les cérémonies) et encore moins des magiciens (cette image d'épinal c'est parce qu'on a mélangé les enchanteurs irlandais du Moyen Age aux druides de l'époque protohistorique). Brunaux nous les présente également comme des personnages qui s'impliquent dans la vie politique. A un moment de leur histoire (vers le 4e siècle avant JC, à leur apogée) ils seront assez puissant pour s'imposer comme des sortes de juges au dessus des rois. le conseil des druides dans la forêt des carnutes devait ressembler d'ailleurs à un tribunal pour juger les différends entre peuples gaulois. Lors de la conquète romaine, les druides avaient déjà quasiment disparu, ou en tout cas perdu leur aura et l'influence sur les sociétés celtes.

En un paragraphe, j'ai résumé en gros ce qu'on peut dire des druides de façon certaine selon Brunaux. Tout le reste demande beaucoup d'interprétation, ce que fera souvent l'auteur pour lancer des hypothèses osées – et pas toujours partagées par les autres spécialistes à ce que j'en sais.

Une première partie intéressante donc, le reste malheureusement est inutilement long pour présenter le peu de choses que l'on sait des druides. La faute à un auteur qui a tendance à tourner en rond. Sans doute qu'il veut bien faire en revenant au texte originel le plus souvent possible. Ce qui est tout à sa gloire mais qui se retourne parfois contre lui, puisque on constate bien quand d'un simple choix de mot chez un auteur antique il veut en conclure toute une théorie. Brunaux batit sur les druides un système d'hypothèses intéressant mais qui semble un peu fragile – et qu'on ne pourra sans doute jamais vraiment prouver ou réfuter.


PS : je rajoute un post criptum pour fustiger le choix éditorial de couverture. Stonehenge n'est en rien l'oeuvre des celtes, ce n'est géographiquement ni temporellement possible. Ce choix d'image idiot qui s'appuie seulement sur des représentations est en totale contradiction avec ce que dénonce très justement Brunaux dans la première partie.
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