Claudie lui répondit que ce n'était pas étonnant, que c'est comme ça les vieux gars, que ça ne parle jamais de ce qui leur tient à coeur.
Elle lui expliqua qu'il valait mieux le laisser en paix, qu'on ne veut pas voir grand monde de son vivant quand on a voulu ne plus voir personne dans la mort.
Le jardin et Chevalier c'était la même chose, personne n'aurait eu l'idée d'imaginer l'un sans l'autre.
En réalité, c'était le besoin de comprendre, l'urgence de savoir ce qui avait transformé à ce point son ancien amoureux, qui l'avait conduite jusqu'au jardin malgré sa peine.
Comme si le fait de ne pas être riche ni cultivé signifiait que l'on possédait une morale plus complaisante, une sensibilité moindre.
Il disait que c'est se reposer et se reposer c'est comme prendre son souffle, on en a besoin, c'est utile.
Il pensa que ces femmes-là étaient comme des pierres au bord du chemin, que l'on pousse sur le côté pour qu'elles ne blessent pas les marcheurs.
Ce n'était pas la couleur de sa peau, son histoire, son âge ou son milieu qui la rendaient différente à leurs yeux, mais sa façon d'être et de penser.
Il n'avait su ce que les femmes voulaient, n'avait jamais osé voir les messages qu'elles pouvaient lui envoyer, ni projeter en elles ses propres désirs. Il se doutait bien, pourtant, que certaines avaient tenté de lui faire savoir qu'elles le trouvaient à leur goût. Sans vouloir ressembler à Ségur, il aurait aimé, lui aussi,savoir reconnaître ces petits signaux qu'elles destinent aux hommes quand elles sont disposées à leur plaire.
Pour lui, le café était comme une cuisine à l'échelle du village dans laquelle on pouvait se retrouver pour parler de rien et se tenir au chaud, comme une famille avant le souper.