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Critique de Lmargantin


Comme beaucoup, je connaissais la réputation de l'écrivain américain à travers cette scène de l'émission de Bernard Pivot, Apostrophes, où il fut évacué après avoir consommé deux ou trois bouteilles de vin blanc sur le plateau. Je ne l'avais jamais lu, et c'est complètement par hasard que je suis tombé sur ce livre en librairie après en avoir entendu dire beaucoup de bien.

Le présent volume rassemble de nombreuses lettres écrites sur près d'une cinquantaine d'années, entre 1945 et 1993. Bien sûr, on retrouve le personnage légendaire tout au long de ces pages, sans aucun filtre. Qu'il s'agisse des femmes, de l'alcool, des champs de course, de son rejet de l'humanité grégaire, rien n'est édulcoré par un éditeur craignant que certains propos puissent choquer les lecteurs. Mais au fil des pages et donc des années, c'est avant tout la vérité de l'écrivain qui apparaît de plus en plus clairement, vérité qui fait oublier le côté volontiers théâtral du personnage.

Bukowski est en effet obsédé par son indépendance en tant que poète et écrivain. Il ne cesse de critiquer les groupes littéraires et les coteries de son temps, même lorsqu'il s'agit de certains mouvements d'avant-garde autour d'Allen Ginsberg par exemple. La poésie doit être à ses yeux une expression totalement libre de la vie, affranchie de tous les codes imposés par la société. Bukowski évoque souvent ces jeunes poètes qui ont d'abord produit des oeuvres parfois nouvelles et libres et qui, ayant obtenu un peu de reconnaissance, ont fini par ne plus rien créer d'intéressant. Pas de danger plus grand pour un jeune auteur que d'être reconnu trop tôt : de la pauvreté, il passe à une existence plus confortable et son écriture perd toute intensité.

Bukowski sait de quoi il parle : après une dizaine d'années passées à boire, il revient à l'écriture alors qu'il est âgé de 35 ans. Il lui faudra attendre une quinzaine d'années – pendant lesquelles il aura publié de nombreux textes en revue et quelques livres – avant d'obtenir une certaine reconnaissance aux USA mais aussi à l'étranger. Tout au long de ces années, il se sera tenu à bonne distance du monde littéraire, faisant toutefois quelques lectures publiques la mort dans l'âme (parmi les meilleures pages de ce livre, il y a celles où il parle de ces lectures de poésie, certaines sont franchement hilarantes).

Pour aller à contre-courant des critiques que j'ai pu lire à propos de ce volume, ce qui m'a frappé dans ces lettres, ce n'est pas le côté scandaleux, vociférant, exagéré du personnage, non, c'est plutôt sa grande rigueur et sa discipline quasi quotidienne. Totalement indifférent aux jeux de pouvoir du monde littéraire, se moquant des critiques quant au caractère non conventionnel et désorganisé de sa poésie, il passe ses journées et parfois ses nuits à sa machine à écrire, buvant de l'alcool tout en écoutant de la musique classique (l'une de ses passions) à la radio : « Oui, les compositeurs classiques. J'écris toujours avec de la musique allumée et une bonne bouteille de rouge. En fumant des beedies Mangalore Ganesh. Les volutes de fumée, le martèlement de la machine et la musique. Quelle meilleure façon de cracher au visage de la mort et de la féliciter en même temps. »

Des moments de bravoure comme celui-ci, ce livre en est plein. A peine fini de le lire, on a envie de le reprendre, d'en copier des passages. Une de mes plus belles lectures de 2017, sans aucun doute.
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