J’ai parfois la vertigineuse sensation de trimbaler mon cœur au bord d’un précipice tant le monde et ceux qui le peuplent m’angoisent.
On n'eclot pas adulte dans le monde qu'on a connu enfant : c'est une découverte brutale à laquelle rien ne nous prépare.
Aujourd’hui je sais que ce n’était que lâcheté de ne pas laisser mes sentiments me guider. Comme à la mort de ma mère. Faire front. Toujours. Mais le vrai courage, c’est peut-être de pleurer, de ne pas faire semblant qu’on est forte, d’accepter ce qu’on est sans dresser des pare-feu autour de soi. Achille et Ulysse pleurent : leurs ambitions ne peuvent faire l’économie de larmes.
Je nage pour ne plus être au monde, je nage comme on fugue, je me détache de tout et je m’absente du reste. Sous l’eau ma peau n’est qu’à moi et j’en oublie le vertige d’exister.
J’ai peur mais ce sang me donne de la force : je suis fière de saigner abondamment devant les loups, satisfaite qu’ils observent avec stupeur ce sang de femme presque noir qui imbibe maintenant le bas de mon tee-shirt et une jambe entière de mon pantalon. Ils sont aussi effrayés que moi. La peur a une odeur forte.