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Critique de Dandine


Il y a peu, une liste de livres, postee par larmordbm, soulevait la question de l'existence d'une ecole litteraire juive newyorkaise. La question restera et les reponses varieront. Si on penche pour une reponse affirmative, il faut essayer d'en cerner les commencements, les premiers balbutiements, en d'autres mots: chercher les peres de cette ecole, s'il y en eut.


Abraham Cahan, l'auteur de ce court livre, peut etre un de ceux-la. Jeune immigrant qui avait fui les persecutions tsaristes et les miserables conditions de vie des juifs en Galicie polonaise, il devient, au tournant du siecle, un des plus importants journalistes yiddish, dirigeant pendant une cinquantaine d'annees le “Forverts" newyorkais, qui tira a plus de 200.000 exemplaires entre les deux guerres. Mais parallelement a ses articles en yiddish il se met tres vite a ecrire en anglais et contribue a des journaux comme le “Commercial advertiser". Il a deja acquis une certaine notoriete en publiant en 1896 un roman: “Yentl, a tale of the New York ghetto” (il est arrive en Amerique apres 1882!), et il continuera toute sa vie a publier en cette langue, des nouvelles et des romans, dont “The rise of David Levinsky", certainement son chef-d'oeuvre, en 1917. A la fin de sa vie il redigera quand meme ses memoires en yiddish.


S'il est le pere, ou un des peres, de cette possible ecole juive newyorkaise, je dois dire, apres avoir lu ce petit opus, que ses enfants l'ont surpasse. Ce que j'ai lu de Bellow, Malamud, Ozick, Roth, ou meme de ceux qui seraient ses petits-enfants, Safran Foer, Krauss, Chabon, est nettement meilleur. Mais je penserais peut-etre autrement si j'avais lu un de ses grands romans a la place de ce recueil.


Cahan decrit ici assez bien la vie des immigrants juifs du Lower East Side newyorkais. Leur determination a s'integrer cede un peu a une certaine nostalgie du shtetl, de sa religiosite, de sa spiritualite ambiante. Ces premiers immigrants vivent en fait entre deux mondes, et si l'Amerique est pour eux le grand espoir d'une meilleure vie, libre d'entraves, elle est aussi trop cruellement materialiste. Ce sont ces contradictions ressenties qui poussent, dans “Le petit fiance", le vieillissant Azriel, qui a bien reussi dans le commerce, a aller chercher en cette vieille Europe un fiance talmudiste pour sa fille, qui, elle, reve plutot d'un “americain nouveau", bien integre. Malgre des formes de vie differentes, des attitudes differentes devant la vie, ces deux jeunes gens vont-ils se rencontrer? Pour tout divulgacher je dirai que sans la pirouette un peu artificielle de la fin ce recit ne serait qu'un feel-good a l'eau de rose qui n'aurait pour se racheter que les pages qui racontent le retour du pere en son ancien shtetl.

Le deuxieme recit, en fait une nouvelle, “Circonstances", est une histoire de desenchantement, la decomposition d'un couple suite a l'eclatement de leurs espoirs et a la difficulte et la mediocrite de leur vie dans leur nouvelle patrie. Il etait un brillant etudiant en droit, comment continuer a aimer l'ouvrier avachi qu'il est devenu, s'abaissant un peu plus chaque jour pour garder sa place dans une usine de boutons?


Le sous-titre donne par l'editeur francais a cet opus, emprunte au premier livre de Cahan, “recits du ghetto de New York" traduit bien ce qu'il contient. de petits recits, sympathiques sans plus. On a ecrit depuis, en differentes langues, des pages plus notoires sur les deboires et les creve-coeurs de toute immigration. Il se peut que Cahan lui-meme en ait produit de plus eloquentes, mais pour l'instant c'est tout ce qui est traduit. J'espere d'autres traductions…
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