Wonder Boys - Trailer - HQ
[réponse à la question : "D’où vient ce préjugé envers les œuvres créées pour une audience populaire ?"] En toute équité, il vient d’abord du fait que la majeure partie de l’art à destination d’un public de masses est de la merde. Il ne faut pas se voiler la face. Mais la majeure partie des œuvres écrites en tant que littérature au sens noble du terme est aussi de la merde, mais prétentieuse.
Un messie qui vient réellement n'est bon pour personne. Un espoir comblé est déjà une demi-déception.
Ne te soucie pas de ce que tu fuis. Réserve tes inquiétudes pour ce vers quoi tu fuis.
Malgré son amour de la littérature sanglante (...) Albert Vetch avait soigné sa sortie en s'efforçant de saigner le moins possible.
La Terre promise n'a jamais paru plus lointaine ou inaccessible à un Juif de Sitka. Elle se trouve à l'autre bout de la planète, un lieu misérable dirigé par des hommes unis seulement dans leur résolution à ne laisser entrer que le menu fretin d'une poignée de Juifs las. Depuis un demi-siècle, Arabes irréductibles et partisans de l'islam, Perses et Égyptiens, socialistes, nationalistes et monarchistes, panarabistes et panislamistes, fondamentalistes et parti d'Ali mordent à belles dents dans Eretz Yisroël et le rongent jusqu'à l'os. Jérusalem est une cité de murs couverts de sang et de slogans, de têtes fichées sur des poteaux téléphoniques. Les Juifs pratiquants du monde entier n'ont pas abandonné l'espoir de vivre un jour sur la terre de Sion. (pages 31-32)

Bien que tout le monde — même Sammy Clay, qui avait pourtant passé le plus clair de sa vie adulte à en produire et à en vendre — les considérât comme de la camelote, Joe adorait ses comics : pour leur séparation chromatique de qualité inférieure, leur stock de papier médiocrement massicoté, leurs réclames pour les fusils à air comprimé, les cours de danse et les crèmes contre l'acné, pour l'odeur de moisi indissociable des plus anciens, ceux qui étaient restés stockés quelque part pendant les tribulations de Joe. Avant tout, il les aimait pour les images et les histoires qu'ils contenaient, l'inspiration et les élucubrations de cinq cents gars vieillissants qui rêvaient le plus fort possible depuis quinze ans, sublimant leurs angoisses et leurs fantasmes, leurs souhaits et leurs doutes, leurs études officielles et leurs perversions sexuelles pour les transformer en quelque chose à quoi seule la plus aveugle des sociétés eût refusé le statut d'art.
[...] Je me suis assise dix minutes avec lui pour regarder. C'était cette émission de dessins animés, le loup qui pourchasse le coq bleu...
Landsman affirme la connaître.
- Alors vous savez, poursuit-elle, que le loup en question peut courir dans les airs. Il sait voler, mais seulement tant qu'il croit toucher le sol. Dès qu'il regarde en bas et voit où il est, comprend ce qui lui arrive, alors il tombe et s'écrase par terre.
- J'ai déjà vu ce truc, acquiesce Landsman.
- C'est pareil dans un mariage réussi, dit la femme du rabbi.
on arrivait devant l'épicier-quincailler-station-service-bureau de poste à quoi se résumait le centre-ville de Kinship, Pennsylvanie.
Je pense que le fait d'avoir été élevé durant cette décade qui aimait les couleurs avocat, orange, bambou avait dû déranger le cerveau de James.

J'étais secoué, déprimé. Et je me sentais coupable de ma déprime. J'aurais dû jouer du tambour sur la planche de bord en hommage au bordel en question, à ce chaos qui est si fécond, qui conjure la mort. [...] Depuis vingt-cinq ans, c'est-d-ire depuis l'époque où j'étais tombé sus le charme de Jack Kerouac, de sa petite musique vagabonde, pleine d'attendrissements dangereux et de manquements aux règles de la ponctuation, j'avais toujours considéré instinctivement comme une bénédiction le genre d'épisodes que nous venions de traverser : cette évasion de James Leer, arraché au dongeon de Sewickley Heights, ce sauvetage de la veste de Marilyn, tout ça était impeccable pour produire un morceau de littérature, pour alimenter les conversations de bar, pour faire chatoyer l'âme. Le Chaos ! Oui, j'aurais dû baisser ma vitre pour humer l'air à pleins poumons comme Knut Hamsun, debout sur sa locomotive en train de traverser l'Amérique profonde, s'était guéri de sa tuberculose en respirant l'air glacé.