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Critique de Butylphenyl


J'ai voulu mettre à l'épreuve ma mansuétude et quoi de mieux pour cela qu'un incipit qui dit “Le monde est femelle, comme l'est la Création. Et putain, impudique, comme l'est la femelle” ?

Contre toute attente (rappel : je suis féministe), je sors de Septentrion conquise. Syndrome de Stockholm ? Même pas. Simplement, il m'a été impossible de ne pas être saisie par la frénésie de ces confessions.

En un peu moins de 500 pages, Louis Calaferte raconte ses origines sociales et comment lui qui a connu l'usine dès ses 14 ans a pu s'en extirper pour écrire son 1er roman. C'est donc le récit d'une ascension sociale, traversée par des périodes de grand dénuement, avec, comme fil conducteur, sa passion dévorante pour la littérature et l'écriture (“Je me jetais sur les livres comme s'ils devaient nécessairement me livrer la clef de moi-même. Et la serrure avec”). C'est rare, très rare, les livres qui décrivent si bien ce que la littérature apporte à l'existence et à quel point elle peut être libératrice et Septentrion contient parmi les plus belles pages qui ont été écrites sur le sujet.

Calaferte évoque également les conditions de cette ascension sociale : sa rencontre avec une riche et vieille hollandaise qui l'entretient. Cette relation est particulièrement intéressante parce qu'elle témoigne des violences sexuelles que peut engendrer la condition sociale par le prisme du sexe masculin - pour une fois - et de ce qu'on peut être prêt à sacrifier pour échapper au travail aliénant. Lui parle d'ailleurs de liaison (alors qu'il ne prend aucun plaisir) et une fois seulement, du fait d'être un gigolo. C'est dans ces moments-là que ressurgit le plus sa misogynie, seul bémol de l'ouvrage : des qualificatifs aux insultes, en passant par l'envie de "mettre des gnons et taloches dans la gueule" ou une agression sexuelle dans un taxi... Si vous vous lancez, assurez-vous donc d'abord que vous êtes capable de lire “un sac femelle tout dégonflé” sans avoir envie d'un autodafé.

Ce point mis à part, j'ai adoré cette autobiographie fiévreuse et existentialiste, avec une plume singulière, très crue, qu'on sent en appétit pour les choses de la vie et avec des réflexions sociologiques brutes pour autant extrêmement pertinentes, comme ce passage où il dissèque le rapport à l'argent des riches par rapport aux plus précaires et où l'on ressent une colère sourde le ronger. C'est plus édifiant que bien des ouvrages sociologiques à mon sens. Une lecture qui m'a donc rappelé - même si dans une moindre mesure attention - la claque immense que j'avais prise en lisant Avant la nuit d'Arenas que j'avais refermé la gorge nouée et les yeux embués et que je vous recommande également..
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