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Critique de Kirzy


Maureen Callahan, journaliste d'investigation au New York Post, propose une terrifiante rencontre avec un tueur en série méconnu qui a sévi dans les années 2010 aux Etats-Unis : Israël Keyes, trois victimes avérées et avouées mais au moins huit autres de plus, l'ampleur de ses crimes restera sans doute impénétrable du fait du suicide en prison avant son procès. Il pourrait être responsable de la plus grande série de disparitions et meurtres non résolus de l'histoire américaine récente.

J'apprécie énormément les récits type True crime et là, on est dans l'excellent. L'autrice choisit une approche très intelligente en mettant le lecteur aux premières loges, directement dans la tête des enquêteurs, ce qui créé quasi immédiatement une tension organique vraiment prenante. On voit l'affaire à travers leurs yeux dès le signalement de la disparition de la jeune Samantha Koenig en 2012 à Anchorage ( Alaska ) puis l'arrestation du principal suspect Israël Keyes. Toute la première partie est un récit à la minute de l'enlèvement de la jeune femme, sa dernière victime confirmée, forcément très propulsif. le recours aux techniques du roman policier est habile, le lecteur entrevoyant en même temps que les enquêteurs l'horreur de ce qui est arrivé à la jeune femme et la révélation d'autres victimes, dans le jeu du chat et la souris qu'impulse Keyes en multipliant les fausses pistes.

Le lecteur découvre le tueur à travers ses interrogatoires, retranscrits cliniquement, révélant progressivement sa véritable nature criminelle derrière l'apparence initiale d'un paisible trentenaire père de famille. Il chasse, viole, tue. Il fantasme, prépare, planifie sur le long terme, anticipe avec une méticulosité maniaque. La seule chose qu'il ne choisit pas, c'est la victime, laissant faire les caprices du destin. On est sidéré d'apprendre qu'il semait des « kits de mise à mort » ( armes + argent + outils d'élimination des corps ) enterrés en prévision dans tout le pays pour assouvir ses pulsions meurtrières quel que soit l'Etat.

Le récit est d'autant plus effrayant que le lecteur n'entre jamais dans la tête de Keyes qui reste un bloc de mystère avec de nombreux trous béants frustrants que Maureen Callahan, même avec tout son talent d'investigation, ne peut combler concernant son parcours psychologique depuis une enfance à torturer des animaux. Impossible de sonder réellement les mystères de la fabrique d'un « monstre » (innée, créé par la société ?) et de la naissance du Mal absolu.

L'autrice dresse le profil objectif de Keyes, carrière militaire, famille mormone intégriste, fascination pour les armes, le survivalisme ou encore Ted Bundy. Keyes semble condenser tous les maux de l'Amérique contemporaine. La mise à nu de la sociopathie de Keyes est brillante et ne tombe jamais dans l'écueil de la fascination morbide que peut provoquer un tueur en série, ou dans un versant putassier non respectueux des victimes. Jamais elle ne s'appesantit sur les détails malsains des crimes.

Ce qui est sûr, c'est que le récit des ratés de l'enquête interroge, qu'il s'agisse des interventions catastrophiques du procureur d'Anchorage ou des luttes intestines peu productives auxquelles se livrent les différents services concernés, du FBI au département de police alaskien. D'autant que c'est glaçant de voir qu'une société peut créer de tels personnages qui passent inaperçus pendant très longtemps, tapis dans l'ombre à sévir jusqu'à ce qu'un hasard lors d'une enquête ne le piège.


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