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Citations sur Le maître dans la diffusion et la transmission du boudd.. (143)

Lama Tenzin Samphel (Nyingma), qui vit dans son centre à Septvaux me raconte qu'il est venu en France selon les injonctions de son propre maître, Dudjom Rinpoché. pour prendre la responsabilité du centre Laugeral en Dordogne. Arrivé sur la Côte de Jör en 1987, ce fut alors un choc pour lui, d'abord par le changement de paysage et de nourriture et surtout, parce qu'il ne parlait pas le français. Il s'était imaginé, eu égard a la notoriété en Inde de Dudjom Rinpoché, que le centre périgourdin avait une énorme activité et beaucoup de disciples, mais il n'en était rien ; c'était une petite organisation et peu de gens étaient présents pour suivre les enseignements qui avaient lieu deux fois par an (pour les plus importants). Après avoir habité quelque temps avec des fidèles avec qui il avait des problèmes de communication (« Pour un Tibétain, non veut parfois dire oui » me dit-il), il commença à bien s'adapter en apprenant le français : « Il fallait vraiment que j'apprenne la langue pour pouvoir aider et comprendre les gens qui m'entouraient ». Il insiste sur les conflits et les incompréhensions nées du contact entre deux « mondes culturels » radicalement différents. Pour lui, il est nécessaire pour un Tibétain d'apprendre la langue du pays d'accueil et de comprendre le fonctionnement et les caractéristiques culturelles propres à son nouveau public.
Si certains ont choisi d'apprendre le français, tous n'ont pas fait ce choix et souvent, c'est l'anglais qui a été privilégié. Les nouvelles générations, notamment les tülkou tibétains qui viennent s'installer ou enseigner en France, sont appréciées, surtout pour leur style moderne et direct. Parmi ces maîtres, certains font plus ou moins figure de trickster, rompant définitivement avec certains de leurs aînés, en arborant un style peu conventionnel, souvent sans concessions, comme a pu l'être Trungpa, qui continue à être le moteur et l'inspirateur de nombreux fidèles.
p. 312 et 313
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Souvent, les nouvelles générations de lamas parlent anglais couramment mais certains lamas de générations distinctes parlent le français (comme Dagpo Rinpoché), ou le comprennent mais ne le parlent pas vraiment (comme Lama Jigmé Rinpoché). Parmi eux, plusieurs étaient moines et certains ont rendu leurs vœux car ils considéraient comme impossible le respect de ces derniers en contexte occidental (comme Dagpo Rinpoché). D'autres se sont mariés avec des Occidentales sans rendre leurs vœux comme Lama Mônlam, qui me dira : « Lorsqu'on est un lama, on n'a pas besoin de les rendre » pour se marier. Outre les ambiguïtés que peut amener l'indétermination du statut d'un lama, cette affirmation a le mérite d'être claire. Le lama, aux yeux de Lama Mônlam, est au-dessus du statut identitaire qui en fait un laïc ou un moine, il est au-delà des vœux.
Le cas des lamas bhoutanais de Dashang Kagyu Ling est représentatif du changement du statut de lamas moines devenus laïcs, mais aussi de pratiques sociales marquées culturellement. Tous moines arrivés en 1974, missionnés par Kalou Rinpoché, seul un d'entre eux a conservé ses vœux monastiques, Lama Tempa Gyamtso, qui passe la plus grande partie de son temps en retraite. Le premier responsable du centre était Lama Shérab. Selon un de ces proches disciples qui m'en a fait le récit, il aurait été pressé par ses maîtres de devenir laïc et d'avoir des relations sexuelles. « Il lui fallait une dakini » me dit mon interlocuteur (ici dakini est synonyme de femme), car sinon, il allait mourir dans un accident de voiture (il en avait déjà eu deux relativement graves auparavant). Il a alors prévenu son sangha et s'est marié à une Bhoutanaise avec qui il a eu un premier fils. Puis, étant parti au Bhoutan, sa femme qui vivait au centre, a eu une aventure avec le peintre bhoutanais venu s'occuper des fresques du temple. Se retrouvant enceinte, il était évident que le père de cet enfant à venir n'était pas de Lama Shérab, alors absent. De retour, ce dernier a tout de même reconnu l'enfant. Puis, lui et sa femme se sont séparés et cette dernière a ensuite épousé le frère de Lama Shérab (qui lui-même s'est remarié), Lama Tendar, avec qui elle a également eu un enfant. Mon informateur, que cette histoire amuse, souligne que tout ce petit monde vit au centre. Certains bouddhistes expliquent ces faits comme une « polyandrie culturelle ».
p. 312
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Au Tibet, les centres mixtes étaient méconnus, le tibétain était la seule langue utilisée, la méditation était réservée à certains moines et yogis, peu de femmes détenaient des positions d'autorité (peu de tülkou femmes également), et nombre d'enseignements qui sont aujourd'hui publiquement dispensés à un public indifférencié de laïcs étaient traditionnellement réservés à des moines ou des pratiquants avancés. Mais, si des changements s'opèrent au niveau de l'implantation et de l'évolution du bouddhisme tibétain dans les nouveaux contextes culturels dans lequel il s'implante, des changements s'opèrent dans la manière d'enseigner et dans le style arboré par les différents maîtres. Alors que le Vajrayana ne s'adresse en France qu'à un public de convertis, plusieurs maîtres ayant eu une double formation (tibétaine et occidentale) ont choisi de transmettre, à l'instar de Trungpa, un programme d'enseignement progressif spécialement destiné aux Occidentaux, et peuvent être considérés comme modernistes. D'autres, qui n'avaient pas ou peu connaissance des Occidentaux lorsqu'ils sont arrivés en Occident, tels que Guendune Rinpoché ou Kalou Rinpoché (ou Lama Teunsang) ont entrepris de transmettre le dharma de manière traditionaliste ; ils n'ont pas appris la langue locale et ont fondé des centres dans lequel l'enseignement est culturellement et religieusement marqué et ils ont conservé leur statut monastique. Le fait qu'ils ne parlaient pas français ni anglais mais seulement tibétain ne facilitait pas les communications avec leurs disciples.
Avec le XVIe Karmapa, Kalou Rinpoché, Lama Yéshé, Sakya Trizin, Dilgo Khyentsé Rinpoché, Dudjom Rinpoché et bien d'autres, les premières générations de lamas venues en Occident ont prodigué une quantité non négligeable d'enseignements et conféré de multiples initiations, notamment au grand public. Plusieurs maîtres étaient cependant sceptiques quant au degré de compréhension et d'engagement des Occidentaux à pratiquer le dharma. Trois maîtres tibétains m'ont dit que les Occidentaux sont instables, qu'ils ont beaucoup de difficultés dans leur vie quotidienne et sont tributaires d'une logique de consommation qui les empêche de comprendre en profondeur les enseignements et surtout de les mettre en pratique. Ce culturalisme est mobilisé pour glorifier leur religion et leur savoir en les plaçant à un niveau de compréhension supérieur. D'autres, comme Trungpa, ont critiqué le « matérialisme spirituel » des Occidentaux et se sont proposés de créer un enseignement spécifique pour ces derniers. Plusieurs ont refusé de transmettre les enseignements les plus profonds et les plus tantriques à une population non avertie.
p. 309 et 310
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Dzongsar Khyentsé, connu pour son franc-parler, même s'il reprend quelques clichés néofondamentalistes que l'on retrouve dans plusieurs religions pour critiquer les sociétés occidentales (comme l'exposition de la femme nue), ses analyses concernant la sexualité dans le tantrisme tibétain et les relations entre maîtres et disciples en contexte occidental fournissent des éclaircissements significatifs. Il rappelle que dans le Vajrayana, il n'est pas question d'égalité des sexes puisque la relation sexuelle est au-delà d'une perspective duelle. Pour lui, l'égalité sociale entre hommes et femmes est moins importante que la réalisation de l'égalité entre le samsara et le nirvàna. Il note que lorsque des Occidentales ont des relations sexuelles avec des lamas tibétains, plusieurs peuvent être frustrées car leurs conditionnements culturels ne se rencontrent pas et que sur un plan égotique, certains Rinpoché connus comme étant de grands maîtres seront par définition les plus mauvais partenaires du point de vue de l'ego et que c'est un très mauvais choix. Si une personne veut apprendre auprès d'un maître avec l'intention d'obtenir la Libération, il doit être prêt à renoncer à son ego.
p. 306
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Le débat que ce livre* (que certaines n'avaient pas lu par réticence) suscite, était l'occasion pour elles de parler des « abus de pouvoir » de certains maîtres. Elles ne comprenaient pas pourquoi les histoires de ce type, plus communes qu'on pourrait l'imaginer, sont étouffées. Attristées par ces faits, cela ne remettait pas en cause leur pratique bouddhique mais on pouvait sentir une certaine peur, notamment en ce qui concerne la fréquentation de certains centres, la peur d'être « enfermé dans un système ». Ces pratiquantes ont une longue expérience des centres et s'en éloignent depuis quelques années, y ayant découvert un « système de pensée unique d'adoration et d'idolâtrie envers le maître » qu'elles ne peuvent plus supporter. Une affaire comme celle de J. Campbell et les réactions qu'elle suscite démontre la complexité des relations entre maître et disciples et la transposition d'un système religieux complexe dans un autre univers cultuel et social.
De plus, beaucoup de maîtres ne font pas véritablement d'efforts pour expliquer en profondeur le système tantrique sur lequel leur tradition repose, système encore largement idéalisé par les adeptes occidentaux. Leur silence peut alors être perçu par certains comme complice. Les Occidentaux n'ont pas, bien sûr pas les mêmes référents culturels et religieux que les Tibétains. Le problème de l'utilisation de la sexualité à des fins de pratiques énergétiques en vue de l'éveil et les abus qu'elle peut engendrer est un obstacle. L'abus de pouvoir dissimulé derrière la pratique tantrique est un fait inacceptable pour nombre de personnes. La relation sexuelle (symbolique, métaphorique et concrète) valorisée dans le système tantrique bouddhique est même vitale dans certains cas. Ainsi, comme déjà écrit, certains maîtres qui étaient moines se sont vus dans la nécessité d'avoir des relations sexuelles selon les prédictions de leur propre maître, car il y allait de leur propre vie. Rappelons aussi la tradition des terma où les tertön doivent souvent s'unir avec la bonne parèdre pour découvrir le terma. Derrière ces difficultés, nées d'une pluralité d'interprétations concernant la relation sexuelle entre maîtres et disciples, difficile de s'y retrouver pour les disciples.
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* Traveller in Space, In Search of Female Identity in Tibetan Buddhism.
p. 305
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Les relations sexuelles entre maîtres et disciples, les procédés de séduction et les abus de pouvoir sont un point encore sensible, notamment en France, où les histoires de ce type sont encore tues ou minimisées, essentiellement visibles par le grand public à travers différents forums bouddhistes sur lesquels plusieurs adeptes témoignent et font par de leurs expériences. Dans le travail effectué par James Coleman sur le bouddhisme en Occident, une partie est consacrée au sexe et au pouvoir, d'où l'importance de ces relations et leurs effets dans un cadre ou le maître est doté une autorité incontestée.
J'ai antérieurement insisté sur l'importance du public féminin et notamment sur la présence de femmes se trouvant dans un processus de séduction envers un ou plusieurs maîtres, mais ces dernières ne sont pas toutes à l'origine des avances de maîtres. Par exemple, Tèndzin Palmo, lorsqu'elle devint l'étudiante de C. Trungpa, se rappelle les tentatives de séduction et les avances de ce dernier : « il lui glisse la main sous sa jupe un jour en prenant le thé. Elle lui plante ses talons aiguilles dans ses sandales » Elle raconte :
« Il se présentait comme un moine authentique en me déclarant que notre rencontre lui avait fait perdre la tête et bien d'autres choses, qui, selon moi, n'étaient que des balivernes. Je pensais qu'il était "pur", car je ne concevais pas qu'un grand lama tibétain ne puisse pas l'être. Et, en aucun cas, je ne voulais provoquer la rupture des vœux d'un moine. Je voulais que rien n'entache le bouddhisme mahayaniste. S'il m'avait dit : " Écoute, ma chérie, j'ai eu des liaisons dès l'âge de treize ans et j'ai même un fils, alors ne t'inquiète pas ", ce qui était vrai, je lui aurais dit : "d'accord". Quoi de plus fascinant que de pratiquer avec le grand Trungpa ? Aucun des hommes que je connaissais ne lui arrivait à la cheville. »
On voit très bien ici la forte idéalisation des lamas tibétains et les effets contradictoires qu'elle implique. Tèndzin Palmo a refusé les avances de Trungpa essentiellement par rapport au dispositif mis en place par ce dernier pour la séduire, mais elle aurait accepté une liaison avec lui (ce qu'elle nomme « pratiquer ») s'il avait agi autrement. Les ambiguïtés des relations de séduction entre maîtres et disciples reposent souvent sur ce genre de contradictions et d'interprétations divergentes, selon la place qu'occupe la personne séduite et celle qui séduit. Plus encore, il y aurait des maîtres qui, en transformant le rôle de l'union et la pratique sexuelle telle qu'elle est explicitée dans les tantra, se servent de cette caution pour obtenir des faveurs sexuelles de leur disciple. Souvent, c'est le sens donné à la finalité (l'acte sexuel), qui diffère selon les interprétations des maîtres et disciples.
p. 301
Ces investissements se retrouvent dans une large mesure dans les relations de maître à disciple. Dans un article du Yoga Journal sur la vie de plusieurs maîtres, Sex Lives of the gurus, l'enseignant (moine) du Theravâda, Jack Kornfield a noté que sur 54 « gurus » (lamas, maîtres zen, hindous, jaïns, etc.), qu'il avait questionnés, 34 avaient eu des relations sexuelles avec une ou plusieurs de leurs étudiantes. La relative banalité de ce type de relation ne doit pas pour autant banaliser les abus de pouvoir concernant les relations sexuelles de certains maîtres avec leurs disciples au nom d'une pratique tantrique, aujourd'hui pointées du doigt, qui engendrent beaucoup de confusion dans l'esprit de nombre d'adeptes.
p. 303
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Le Dalaï-Lama s'exprime en faveur des femmes, reconnaît et approuve les droits et les acquis de celles-ci dans les sociétés occidentales mais son propos n'est pas toujours suivi. Il affirme, lorsque des enseignants occidentaux le questionnent par rapport aux femmes et au dharma à l'Ouest : « Je pense généralement que les femmes doivent prendre confiance en elles-mêmes et saisir toutes les occasions. Se rendre les égales des hommes dans tous les domaines. C'est le plus important ». Ces droits et acquis des femmes dans nos sociétés peuvent difficilement être remis en question publiquement par certains maîtres, alors que dans une conversation personnelle, plusieurs donneront leur avis sur la position et le statut de la femme, qui n'est pas celle qu'ils donnent publiquement.
À l'instar du Dalaï-Lama*, plusieurs font référence à l'égalité des droits entre les femmes et les hommes, alors que d'évidentes ambiguïtés apparaissent au regard des enseignements bouddhiques eux-mêmes, notamment ceux qui concernent la doctrine de l'anatman. Un lama français me dira qu'il est difficile, si l'on se réfère aux textes bouddhiques, de parler de droit des personnes (personne entendu au sens occidental) alors que cette personne n'est, du point de vue de l'enseignement bouddhiste, qu'un ensemble d'agrégats dépourvu d'existence propre**.
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* Notons que le Dalaï-Lama n'est pas très ouvert sur les questions de sexualité et d'avortement et que son raisonnement se rapproche de celui de l'Église catholique en prônant l'abstinence et désavouant l'avortement en tant que mort volontaire d'un être humain.
79 « Bouddhisme et Philosophie : La question de l'Identité », Les cahiers bouddhiques, n°1, juin 2005, p. 102-123.
p. 297
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Certains maîtres ont une « cour » non négligeable de femmes qui les entoure, les sollicite, et aussi, les ennuie. Des maîtres sont quelquefois embarrassés de cette effervescence qu'ils produisent, même si elle peut être recherchée par d'autres. Le support et l'aide de la femme sont particulièrement décisifs dans certaines conditions. notamment « pour aider les grands maîtres dans leur activité », comme me le rappellera un lama tibétain, la femme représentant la sagesse, la vacuité (prajna) et l'homme les moyens habiles (upaya) qui sont deux pôles indissociables dans le Vajrayana, traduits de manière rituelle avec l'union de l'instrument rituel, le dörje et la cloche. Comme nous l'avons vu, les femmes mais plus encore l'énergie féminine, est notamment utile aux tertön. Publiquement, les maîtres mettent en valeur les qualités féminines de sagesse, notamment les qualités d'ouverture et de compassion d'une mère, ce qui ne fait qu'accentuer l'intérêt des femmes pour l'enseignement et le maître qui l'enseigne. En reprenant l'étude de certains tantra, ils mettent en évidence les capacités supérieures attribuées aux femmes*.
B. Faure soulignait son étonnement d'entendre que le bouddhisme tibétain en France fournisse refuge aux déçus du féminisme car cette valorisation et cette exaltation des femmes dans le bouddhisme tibétain « n'est pas une marque d'égalitarisme ; bien au contraire, c'est la caractéristique principale de toutes les religions et sociétés patriarcales ». Deux lamas tibétains Kagyü me diront que les femmes ont l'esprit « plus fin » et sont « plus sensibles au dharma que les hommes ». D'autres me diront que la condition d'une femme est « plus difficile sur tous les plans » (physique, psychique et sociale) qu'un homme, même dans nos sociétés occidentales encore machistes, et qu'elles sont en conséquence plus « dociles », de par leur éducation. L. Deshayes et F. Lenoir mentionnaient : « La place laissée aux femmes occidentales est justement à la confluence entre Tibet et Occident : l'un, traditionnel spirituellement riche mais socialement archaïque, l'autre en quête spirituelle, mais socialement avancé ». Cette distinction, qui reprend à la fois des stéréotypes …occidentaux sur le Tibet et des stéréotypes occidentaux sur leur propre société, a le mérite de refléter le discours d'une majorité de fidèles rencontrés.
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*J. Simmer-Brown note que c'est un thème récurrent dans le tantrisme que d'attribuer des capacités supérieures aux femmes. Le souffle ardent de la dakini. Le principe féminin dans le bouddhisme tantrique. Kunchab, 2001, Paris, p. 64.
p. 296
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« les dakinis au sens ultime sont la sagesse qui réalise shounyatâ, la Vacuité. Cette sagesse est le niveau le plus subtil de la conscience, la claire lumière qui est transformée en sagesse et qui réalise la Vacuité ; afin de faire naître cette dakini, il faut anéantir la conscience grossière grâce à la pratique de la chaleur intérieure qui est une forme particulière de félicité. Cette félicité est le remède qui détruit la conscience grossière, et, par conséquent, cette chaleur intérieure est une autre signification de dakini ; pour développer cette chaleur intérieure dans certaines circonstances et conditions, on doit s'associer à une parèdre ou partenaire féminin encore appelé femme de connaissance (rig ma), ce qui constitue le troisième sens de la dakini. Ces parèdres sont différentes par leurs caractéristiques physiques et spirituelles [...]
En fait les dakinis ont évolué de l'Inde vers le Tibet. En Inde, elles apparaissaient sous des formes destructives, sanguinaires et parfois cannibales, et leurs actions étaient souvent si crues et si obscènes que cela leur a valu le nom de sorcières. Leur présence auprès des yogis était essentielle pour accomplir certains rites psycho-sexuels. Progressivement, entrèrent dans la mythologie tibétaine sous des formes plus apaisantes et, cessant en même temps d'être considérées comme des êtres en chair et en os, elles devinrent les messagères de la transmission spirituelle et les symboles individuels de sagesse avec laquelle la méditant doit s'unir mystiquement. » (Édou, 2003 : 109-110)
Judith Simmer-Brown, universitaire américaine, enseignante à l'université Nalanda (fondée par Trungpa) expose dans son ouvrage “Le souffle ardent de la dakini”. Le principe féminin dans le bouddhisme tantrique* les différents aspects de la dakini dans le contexte traditionnel tibétain, dans les discours des féministes américaines et chez les lamas contemporains. En tant que symbole qui, en référence à Paul Ricoeur, « modèle le soi », J. Simmer-Brown explique que pour les Tibétains, les concepts de féminin et de masculin n'ont d'importance que pour autant qu'ils reflètent une dynamique ultime dans les rituels et la méditation. C'est dans cette « perspective sacrée » que la dakini doit être envisagée, perspective qui ne se « reflétait pas nécessairement dans la vie sociale » ou les femmes étaient « assujetties à leur père et mari ». Le profil de la dakini se voit modifié en contexte occidental ou elle « est passée du statut de dakini spécifique à celui d'un principe féminin désormais au cœur des enseignements vajrayana ». L'importance des dakini humaines, des parèdres, « l'aspect le plus déroutant » souligne J. Simmer-Brown, se révéleront essentielles pour la transmission des terma (notamment chez les Nyingma) où le tertön, le « découvreur de trésors », pratique avec son épouse mystique. L'utilisation, souvent inévitable, à des fins de pratiques religieuses, du principe féminin, est dans cette transmission parfaitement parlante.
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*Kunchab, Paris, 2001, [Dakini's Warm Breath, Shambhala publications, 2001]. Son analyse aborde tous les points de vue actuels sur le sujet, en se démarquant de la critique féministe mais en l'intégrant à l'analyse.
p. 288
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Après la disparition du Bouddha, Mahakashyapa, le premier patriarche, fera de sévères reproches à Ananda, principalement pour avoir pris la défense des femmes et avoir ainsi réduit la durée de l'enseignement du Bouddha (le Bouddha aurait en effet prédit le déclin de sa doctrine). Le bouddhisme, pour J. Bacot, n'a pas de position absolue à l'égard des femmes : « Le climat des pays du Grand Véhicule est moins favorable que celui des pays tropicaux à l'appel des sens. Chez les peuples du Petit Véhicule, les femmes restent dangereuses pour la sérénité des moines. Elles doivent être vis-à-vis d'eux, d'une discrétion méticuleuse qui fait partie de leur éducation ». Les prérogatives doctrinales et les aspects culturels s'enchevêtrent, les seuls écrits attribués au Bouddha ne peuvent, à eux seuls, déterminer et expliquer les perceptions des femmes et du féminin. Avec le Mahayana et l'importance de la compassion et de la non-dualité, l'asexualité permettait en théorie aussi bien à une femme qu'à un homme d'atteindre l'éveil, mais pas l'éveil suprême. Cependant, « elle ne semble pas avoir contribué dans la pratique à améliorer la situation de la femme. La théorie des deux Vérités fournissant un argument commode pour nier les différences sexuelles sur le plan absolu tout en les maintenant sur le plan relatif » écrit B. Faure. Alors que le Vajrayana tibétain valorise et promeut le pôle féminin, la situation des femmes, notamment celle des religieuses, reste toujours subordonnée à celle des hommes.
1. Le principe féminin
Le Vajrayana se propose de transcender les passions par une sorte de processus alchimique. Comme le rappelle B. Faure, le « tantrisme bouddhique tire les ultimes conséquences du principe cardinal de la doctrine de Mahayana, le non-dualisme, autrement dit l'identité sur le plan de la vérité absolue des passions et de l'éveil. Mais il va même plus loin lorsqu'il affirme que l'énergie des passions est le catalyseur nécessaire de l'éveil ». Reconnaissant donc aux passions une « vertu sotériologique », l'acte sexuel sublimé va être mis en avant car il permet l'accès à l'illumination, au salut. Le tantrisme accorde effectivement une grande importance à l'aspect féminin du divin. Il perçoit le principe féminin comme étant la source d'énergie divine, la sagesse. Le tantrisme bouddhique, tel qu'il était pratiqué en Inde au Ve et VIe siècle, considérait l'initiation comme le tout de la voie tantrique.
p. 285
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