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Critique de boubou10588


Mon avis

On retrouve ce style très naturel, qui fait penser à ces fausses correspondances du 17ème (comme les Lettres portugaises de Guilleragues, qui furent longtemps attribuées à tord à une religieuse à cause de leur vraisemblance !). J'ai même éprouvé un doute au début de ma lecture « j'ai supprimé certains passages, car redondants ou inutiles ; je les ai signalés par le sigle conventionnel :[…]. » Plus loin, l'intrigue bien entamée, on sent un rapprochement indéniable avec Zola, et l'auteur esquisse cette problématique dans notre tête : Comment Gervaise et Coupeau s'en sortiraient-ils au XXIème siècle ? Les choses ont-elles tant changé depuis l'époque de l'Assommoir ? Rien n'est moins sûr…

Autre point fort du roman, les différents points de vue, qui sont un choix vraiment judicieux. On éprouve cette curieuse sensation de se situer dans un angle-mort. Assez vite, les confidences diffèrent selon les personnages, et se pose l'insidieuse question : Qui croire ? Ce qui est très bien décrit c'est l'empiètement de la sphère privée par la sphère professionnelle. Au début idyllique d'une famille parfaite qui profite de quelque temps de vacances succèdent la monotonie du travail. Mais ne s'agit-il que de monotonie ?

À la fin de ma lecture, je ressens une amertume, que l'auteur a réussi à doser peu à peu dans son roman. L'absurdité de nos vies contemporaines dont les heures se remplissent de contraintes et de rapport de domination, de concurrence entre collègues. Et cela afin de profiter d'un répit qui n'est que de courte durée. Un peu comme dans l'Assommoir, on se mord l'intérieur de la bouche en lisant, un peu inquiet de ce qu'il va advenir. On la craint, la catastrophe, et ce malgré la tendresse de l'auteur pour ses personnages.

Puisqu'en plus d'empiéter sur la vie de famille, le travail abîme le corps. Et il s'agit presque d'une enquête sur comment le poison s'instille d'abord dans nos esprits, pour attaquer le corps. Ces corps courbaturés, suppliants, sous le joug de ces heures infinies de travail. Des heures que le capitalisme démultiplie, tirées d'obscurs sièges pour atterrir dans des tableurs excel sans penser une seconde à ces vies qu'elles prennent en otage. Car c'est de cela qu'il s'agit vraiment. Cette force de travail, cette force de vie qu'on arrache pour des tâches éreintantes. Et le pire, c'est que dans un souci d'optimisation toujours plus poussif, on n'hésite pas à sacrifier ces vies au profit de machines. Guilhem Candie nous décrit ces vies derrière ces caisses, à nous montrer le drame qui se joue parfois derrière les sourires amènes, et pour cela, c'est un grand bravo.

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