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Critique de StCyr


Selon le célèbre proverbe africain quand un vieillard meurt, c'est une bibliothèque qui brûle. Un tel dicton semblerait bien obscur à Peter Kien pour qui l'holocauste de l'humanité toute entière ne saurait racheter la disparition d'un seul ouvrage chéri des milliers que contient sa collection de sinologue mondialement connu. La quarantaine, sec comme un sarment de vigne, techniquement un miracle de mémoire et de connaissance livresque, mais somme toute un vieux garçon, rigide et froid, Kien n'a pour véritable compagnie que la pensée des sages d'orient. Un jour le voilà pris d'une lubie, lui le célibataire endurci, d'interpréter de façon singulière certains préceptes de Confucius, pour s'engager dans les voies périlleuses du mariage. Inquiet pour l'avenir de sa bibliothèque, il décide d'épouser sa domestique, de dix-sept ans ans son aînée, après huit ans de service dans ce canyon de livres. Être un puits de connaissance n'est pas forcément synonyme de clairvoyance : la dame est une mégère, d'une vanité qui confine à la naïveté, d'une mesquinerie qui n'a d'égale que ses prétentions à la respectabilité bourgeoise. Elle est convaincue que le savant est riche et elle va s'employer à dénicher le magot. Deux autres personnages tout aussi antipathiques, le concierge, une brute épaisse, policier à la retraite qui passe son temps à épier les démarcheurs et quémandeurs imprudents qui s'aventureraient dans l'immeuble pour les rosser d'importance, comme il se flatte de l'avoir fait avec son épouse et sa fille, comme tout père de famille qui se respecte, ainsi qu'un vil nain déjeté, proxénète à la petite semaine et escroc de métier, vont tâcher eux aussi de faire leur beurre en menaçant la vénérable bibliothèque du pédant d'une fin ignomignieuse dans les combles poussiéreux d'un vulgaire mont-de-piété de quartier.

Auto-da-fe est un petit bijou burlesque, où les personnages symbolisent ce que la vie peut avoir d'absurde et d'étriquée quand chacun se cantonne à la courte vue de ses intérêts propres, sourd à toute autre considération, prenant ses désirs pour des réalités. C'est aussi un miracle ou une anomalie, puisqu'il s'agit du seul roman d'un intellectuel de tout premier plan, renommé pour ses réflexions sur les mécanismes humains et les modes de fonctionnement psychosociaux.
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